Le film de Ryo Takebayashi est en réalité une sorte de fable assez courte (1h23), réalisée avec peu de moyens (peu de personnages, peu de décors), et qui peut, je le conçois, dérouter quelques spectateurs. Quand on met en scène une boucle temporelle, il faut être malin pour ne pas paraitre répétitif car effectivement, certaines scènes se répète encore et encore à l’identique. Pour ne pas lasser le spectateur, et surtout donner du rythme, il faut changer l’angle de vue, miser sur des détails et y injecter pas mal d’humour. Ryo Takebayashi l’a parfaitement intégré, et il a aussi compris qu’il fallait essayer de ramasser au maximum son récit pour ne pas perdre en route des spectateurs. Vu en VOST, le film exige une vraie concentration pour lire tous les sous-titres (et il a beaucoup de dialogues et des choses écrites à l’écran en idéogrammes et qui doivent être traduites) et ensuite le monde du travail au Japon étant ce qu’il est, c'est-à-dire très différent du nôtre, le film qui dure moins de 90 minutes semble étrangement plus long. Parsemé d’humour absurde, « Comme un lundi » aborde aussi d’autres thèmes plus délicats. Les comédiens nous sont forcément inconnus, et je vais sortir du lot Wan Marui car le scénario tourne autour d’elle. Quand le film commence, cette jeune femme ambitieuse n’a pas conscience qu’elle revit la même semaine indéfiniment. Concentré sur son travail, ses ambitions, elle ne voit tien d’autres et traite ses collègues avec une certaine distance.
Pourtant, autour d’elle, certains ont déjà compris, d’autres non.
Wan Marui est très convaincante. C’est la mue de cette jeune femme qui est au centre du film, comme celle de son patron très bien incarné par Makita Sports. Lui à bientôt 50 ans,
il est trop joyeux et trop détaché pour ne pas cacher quelque fêlures
.
C’est soit elle, soit lui, soit le binôme,
qui est la cause de la boucle, mais de façon totalement inconsciente. Le scénario est forcément un peu frustrant
car on ne sait pas, et on ne saura pas, pourquoi c’est précisément cette semaine là qui « bloque »
. Très vite, comme dans le très célèbre « Un Jour sans Fin » (les personnages y font référence), on devine que la raison de cette boucle infernale est psychologique. Comme nous sommes dans un film japonais, la « morale » du film apparait plus nébuleuse que celle du « Jour de la Marmotte ». Il est question
de confiance en soi, d’accomplissement personnel, de rêves à ne pas abandonner, de choix à faire, et de risques à prendre.
Cela peut paraitre universel, comme morale de fond, mais en réalité le film est très japonais dans son approche de ces concepts. Le personnage central de Yoshikawa veut sortir de la boucle comme les autres, mais tout en continuant de bien travailler, de travailler mieux encore pour toujours faire mieux, toujours plus vite, toujours plus irréprochable. Là où un occidental aurait franchement été tenté de tout envoyer balader et de faire les cents coups (puisqu’au final, la semaine recommence et les conséquences s’évaporent), les employés de cette petites société de marketing (qui travaillent sur le produit le plus étrange du monde : de la soupe miso en comprimé effervescents, pouah !) ne perdent jamais leur travail de vue. Tournant autour de quelque chose d’hyper important dans la culture japonaise,
le manga
, le scénario nous apparait parfois un peu déroutant. Mais le propos n’en demeure pas moins pertinent et non dénué d’une certaine poésie. « Comme un Lundi » ne va pas côtoyer « Un Jour sans Fin » dans la culture cinéma mondiale, son humour n’est pas le même, et il moins facile d’accès. Mais le film de Ryo Takebayashi est une comédie absurde qui prend bien soin d’aller au-delà et faire passer un petit message important. C’est un message qui, au Japon plus qu’ici, se glisse dans les méandres du monde du travail pour nous ramener à l’essentiel : l’accomplissement personnel ne passe pas obligatoirement par la réussite professionnelle.