Koji Yakusho est l'âme vivante de ce film-hommage aux doux rêveurs du quotidien, à ceux qui aiment lever le nez vers les rayons de soleil qui percent joliment au travers d'un feuillage bruissant, à ceux qui profitent du temps plutôt que de le subir, à ceux qui trouvent un équilibre en-dehors du modèle idéaliste de la famille avec une grande maison, enfants, chien et belle voiture. Wim Wenders signe un film d'une tendresse assurée, qui met en valeurs son personnage très attachant, rappelant ceux de Jacques Tati, témoins muets de sociétés pressées et absurdes, poètes déambulant parmi les gens désabusés... Ajoutez à cela une bande-son qui fait saliver (Lou Reed, The Rolling Stones, The Animals, Ottis Redding, Patti Smith...), dont une reprise de The House of the Rising Sun en japonais qui nous a fait dresser les poils, mais aussi une mise en scène qui prend le temps de nous faire ressentir la douce lenteur du quotidien de cet homme, ne nous ennuie jamais, mais laisse infuser l'indolence dont il se satisfait (une ode aux "petites journées"). Le scénario s'offre aussi un virage plus dramatique, triste, lorsque le personnage
doute finalement de son propre bonheur dans ce quotidien solitaire, amenant la dernière scène imagée : après quelques flashes rouge et vert qui rappellent Paris Texas (justifiés ici par les feux routiers tricolores, une excellente trouvaille) qui entament un passage vers le rêve, on assiste à pétage de plombs de cet homme en gros plan, dans une séquence qui dure suffisamment pour qu'on remarque son plein épanouissement d'en avoir fini avec ses démons (le lien rompu avec sa sœur - dont on ignore la raison - qui se reconstruit, la découverte du célibat de la femme qui l'intéresse, et surtout de l'ex-mari de cette dernière avec qui il sympathise en apprenant que le malheureux était en fin de vie...).
Le jeu d'acteur maitrisé à la perfection, suivi de la belle image finale de
cette voiture montant vers un soleil radieux
, sur une élégante musique, tout nous prend au cœur dans ce Perfect Days, dont la Palme pour Koji Yakusho nous paraissait une évidence. Ce personnage "Tati-esque", petit travailleur qui se satisfait de peu, et s'émerveille de tout, est une leçon de poésie à suivre. Faites comme lui : asseyez-vous, levez les yeux, inspirez, et profitez.