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Non! le dernier film de Clint, non! On n'est pas d'accord. Clint est immortel. Si Clint disparait, que nous restera t-il? Après tout, il n'a que quatre-vingt treize ans le gamin...
Bien sûr, on pense à Douze hommes en colère. Une partie du film se passe dans cette salle du tribunal où le jury délibère, et où un homme seul va tenter d'infléchir l'opinion bien arrêtée des autres jurés, où petit à petit, ces jurés vont livrer un peu d'eux mêmes, justifiant ainsi leur prise de position. Mais à part cette similitude formelle, tout est différent. Chez Sydney Lumet, tout était carré, démonstratif, logique. Chez Clint Eastwood, il y a une grande part de flou, de trouble, c'est la vie, dans toute son ambigüité..
Ce jeune juré, Justin (Nicholas Hoult), il a une jeune femme très charmante et très enceinte (Zoey Deutch)
et un passé assez lourd. Passé d'alcoolique qui l'a conduit à faire des bêtises -il est maintenant complètement sevré- et récent souvenir de la grossesse précédente qui s'est mal terminée, les jumeaux n'ont pas survécu. Il préférerait rester près de sa femme que de siéger à ce procès plié d'avance.
Une jeune femme est trouvée morte en contrebas d'une route. Manifestement, elle a été tabassée. Elle rentrait chez elle, à pieds, sous la pluie, après s'être violemment disputée avec son compagnon dans un bar,
ils se sont battus, ils en avaient l'habitude. Lui était un type violent, ancien membre d'une milice raciste. Elle est partie, il était furieux, il l'a suivie.
Pas besoin de chercher midi à quatorze heures.
Sauf que Justin a pris cette même route, alors qu'il était assez mal dans sa tête, que sous la pluie battante il a heurté violemment quelque chose, que cette route est fréquemment traversée par des cerfs, et que c'est sans doute un cerf qu'il a percuté, et que l'animal, blessé, a du pouvoir s'enfuir dans la forêt. Et si ce n'était pas un cerf?
Ainsi, Eastwood, bien au delà du "film d'assise", nous entraine dans une fascinante réflexion sur le droit et la justice -vont ils toujours de concert- à travers le portrait d'un homme comme nous, avec ses peurs, ses doutes... sa dualité, sa lâcheté aussi sans doute. Un autre très beau portrait est celui de la procureure, magnifiquement interprétée par Toni Collette. C'est une femme ambitieuse: elle postule pour l'élection du procureur général. Pour elle, ce procès -et la condamnation de l'accusé- est donc important. Mais en même temps, elle veut la justice. Elle veut la vérité...
Un film faussement limpide, un film passionnant.
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