A presque 95 ans, Clint Eastwood continue de tourner et il propose, avec « Juré n°2 » un thriller juridique qui ne manque pas de tenue. « Juré n°2 » dure moins de 2h et il passe tout seul. On est immergé dans le film en quelques minutes et on sera tenu en haleine jusqu’à la dernière minutes, jusqu’à la dernière image. L’intrigue commence avec le début du procès et ce qui est advenu à la jeune Kendall Carter nous est proposé en flash back tout au long du film, avec quelques artifices de mise en scène pas super originaux mais qui font bien le job. S’il y a du suspens dans « Juré n°2 »,
il ne réside pas dans le fait de savoir si oui ou non Justin Kemp à renversé un cerf ou une jeune femme ce soir là sous le déluge et dans l’obscurité totale. Sur ce point précis le spectateur se fait rapidement une idée précise. Le suspens réside ailleurs, dans l’attitude en tant que juré d’un homme qui connait la véracité des faits mais qui ne peut en parler à personne
. On s’imaginait peut-être, au vu de la bande annonce, à un « court movie » qui se déroule essentiellement pendant le procès mais en réalité, ledit procès n’occupe que les 20 premières minutes du film, à tout casser. Beaucoup de choses se jouent en dehors et encore plus de choses se joue dans la en salle des délibérés. Et là forcément, on pense à un grand classique « 12 hommes en colère », un huis clos magistral et inoubliable, merveilleusement dialogué. On ne va pas se mentir, « Juré n°2 » ne tient pas la comparaison avec son illustre prédécesseur car le scénario n’est pas le même. Ici, il n’est pas question que de justice à rendre mais de beaucoup d’autres choses qui viennent parasiter cette justice :
l’intérêt personnel, l’intérêt politique, le désir de condamner son prochain pour lui faire payer ce qu’il est, ce qu’il aurait du faire, au lieu de ce qu’il a réellement fait.
Au scenario, Jonathan Abrams charge la barque ;
période d’élection, grossesse à risque, deuils de bébés mort-nés, ancien alcoolisme
, il ne lésine pas devant les paramètres extérieurs à la justice. Et encore, il aurait pu y ajouter les réseaux sociaux ou l’opinion publique, ce qu’il ne fait pas. Finalement, dans « Juré n°2 », il est moins question de rendre la Justice que de servir ses intérêts personnels. On peut raisonnablement penser que le dilemme dans lequel se retrouve Justin Kemp se suffisait à lui-même sans avoir besoin de rajouter autant d’éléments de dramaturgie. Le scénario montre une Justice américaine défaillante, en ligne droite directe avec une enquête de police défaillante.
La procureure refait l’enquête et se rends compte seule (mais trop tard) que la police et ses services ont fait une enquête à charge sur le suspect le plus évident : le petite ami au passé de délinquant, en usant ce quelque chose qui est très bien expliqué pendant les délibérés : le biais de confirmation.
C’est l’ensemble du système américain, dit « accusatoire » qui est défaillant dans le scénario de « Juré n°2 ». Ce qui fonctionne bien aussi dans le film, c’est la psychologie d’un jury populaire : il y a ceux qui veulent condamner pour en finir rapidement, ceux qui jugent l’homme et non les faits, ceux qui se laissent déborder par leurs préjugés, ou par leur histoire personnelle. Un jury populaire c’est comme la démocratie, c’est le pire système à l’exception de tous les autres. Ce qui est sur, c’est que « Juré n°2 » suscite la réflexion chez le spectateur, et c’est à mettre à son crédit. C’est Nicholas Hoult qui incarne Justin Kemp et il se sort assez bien car d’un rôle difficile, très intériorisé. Toni Collette est parfaite aussi en procureure, en femme ambitieuse mais qui doute, et n’est pas totalement aveuglée par son ambition politique. J’aime bien cette actrice, je trouve qu’on ne la voie pas assez au cinéma et c’est la même chose pour Chris Messina, en avocat de la défense. Les seconds rôles sont bien écrits même si on peut regretter que celui de JK Simmons disparaissent au milieu du film et que celui de Kiefer Sutherland soit anecdotique : il est censé être l’avocat de Kemp
(et son parrain des alcooliques anonymes)
et ce double rôle, qui aurait pu être crucial, est totalement sous développé. En dépit de ses petits défauts, « Juré n°2 » est un bon thriller bien mené et qui interpelle le spectateur avec pertinence sur la Justice et son fonctionnement. Jusqu’à la dernière image, on se demande qui de la Justice ou du cynisme va l’emporter.
Et ce n’est que la toute dernière image qui répond à la question.