Pendant le confinement de 2020, Maria Alché et Benjamín Naishtat ont partagé un petit appartement dans le quartier de San Telmo, à Buenos Aires. Comme tout le monde, ils se posaient beaucoup de questions sur l’avenir : "On a décidé de transposer ce ressenti par écrit, à travers des idées et des émotions auxquelles on voulait revenir, mais qu’on n’avait jamais vraiment eu le temps d’explorer avant la pandémie."
"El Profesor, qui décrit un petit microcosme obéissant à ses propres règles et à sa propre logique, nous a obligés à imaginer des dialogues et des personnages, et à adopter un certain humour sur le monde universitaire. On a commencé à échanger des scènes qu’on avait écrites, axées autour de la vie d’un couple interprété par Mara Bestelli et Marcelo Subiotto, deux acteurs qui ont contribué de manière décisive à concrétiser ce projet."
"On a travaillé comme avec un cadavre exquis où chaque scène en déclenchait une autre. Très vite, on a achevé une première version qui, sincèrement, nous faisait rire et qui était également émouvante. On sentait, à travers ce travail à quatre mains, qu’on avait écrit un scénario qui nous tenait à cœur."
El Profesor se nomme Puan en version originale. Il s'agit de la rue où se trouve la Faculté de Philosophie et de Littérature de Buenos Aires, et c’est comme cela que tout le monde appelle l’université. Maria Alché et Benjamín Naishtat expliquent : "Il n’y a ni familiarité, ni affection dans ce surnom. Mais Puan est bien plus qu’un lieu, ou qu’un bâtiment. C’est une foule d’étudiants de toutes générations et de tous milieux sociaux qui se pressent dans les couloirs. C’est aussi une armée de professeurs qui gagnent à peine leur vie et qui, pourtant, passent d’innombrables heures à parler de métaphysique."
"Le bâtiment est une ancienne manufacture de tabac, ce qui contribue à l’excentricité et à la dimension iconoclaste de Puan – à sa culture. Puan possède quelque chose d’unique qui la démarque des autres facultés de l’Université de Buenos Aires, l’une des plus importantes d’Amérique latine."
Pour jouer le rival de Marcelo, Maria Alché et Benjamín Naishtat ont choisi Leonardo Sbaraglia, qui est une véritable icône du cinéma argentin. Les cinéastes précisent : "On avait vu Cœur errant de Leonardo Brzezicki où Sbaraglia livre une prestation magnifique et qui, au bout du compte, nous a poussés à lui proposer le rôle. La création du personnage a été organique car une tension naturelle se produit lorsque les deux acteurs sont en présence l’un de l’autre. On voulait que le professeur Rafael Sujarchuk, tout auréolé de son expérience en Europe, ne soit pas caricatural."
"Ces deux personnages ont, à égalité, des côtés à la fois pathétiques et admirables. Tout au long des répétitions et de nos conversations, Sbaraglia a mis au point son personnage, ce qui, du coup, nous a encouragés à donner beaucoup plus d’épaisseur et de complexité à la dernière étape de sa trajectoire. La notion d’engagement semble centrale : on sent qu’elle était cruciale pour le professeur Caselli, elle l’est aussi pour la femme de Marcelo, mais elle semble se déliter pour Marcelo lui-même. Et peu à peu les événements vont l’obliger à se positionner, à s’engager... Absolument."
"Le film s’attache à un personnage qui s’est senti pris au piège toute sa vie. Il est coincé. Cependant, la disparition de son mentor, le professeur Caselli, le fait basculer dans une sorte de brouillard et d’incertitude où il n’a d’autre choix que de revoir ses priorités."