J’avais aimé le magnifique roman éponyme de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018, relatant la vie d’une certaine « France d’en bas » et notamment de ces jeunes, brûlant de participer au monde mais vivant dans une ville de Lorraine sinistrée par l’extinction des hauts-fourneaux. Une ville brisée par le chômage dont les parents noient leur désillusion dans l’alcool. Tous les jeunes rêvent d’en partir mais la plupart semblent condamnés à cette malédiction d’une existence tristement semblable à celle de la génération précédente…Les réalisateurs Ludovic et Zoran Boukherna l’ont porté à l’écran, dans un film fidèle à la trame du roman, et aussi fort, mélancolique et déchirant, voire plus, que le roman…A Heillange, ville inventée mais qui évoque irrésistiblement Hayange… ville de l'est de la France massacrée par la crise de la métallurgie… Les feux de l'actualité l'éclairent de temps à autre, quand un haut-fourneau s'arrête, qu’une usine ferme, qu’un conflit social éclate à moins qu'un candidat à la présidentielle vienne y faire quelques promesses ou qu'un élu d'extrême droite accède à des responsabilités municipale ou législative. Mais qui connaît la vie de ses habitants…une bande de jeunes adolescents se croise, s’amuse, se bat, s’aime sans toujours pouvoir conclure sur quatre étés, le dernier coïncidant avec la victoire de la France à la Coupe du Monde…il y a là Anthony,( Paul Kircher) adolescent complexé à l’œil tombant, et son cousin (Louis Memmi) mieux dans sa peau, Steph, ( Angelina Woreth) fille de notable, plus ambitieuse qui rêve des » States » et Hacine ( Sayyid El Alami) fils d’immigré marocain qui tourne en rond dans sa cité…et quelques autres, filles ou garçons…( je me suis un peu perdu dans les personnages féminins !!) Ils vivent le plus souvent chez leurs parents qui ont le plus grand mal à contrôler leur propre existence…C’est l’histoire d’une ville qui tombe, d’une misère qui s’installe qui sera bientôt le creuset du Front National…le film est porté pas une bande-son des années 90 géniale bien qu’un peu trop présente, et par des acteurs inspirés dont certains sont tout simplement exceptionnels, comme Paul Kircher, poursuivant son impossible rêve amoureux, qui recevra le Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir à la dernière Mostra de Venise pour son rôle dans ce film ou Gilles Lellouche en père suicidaire portant le poids de ses échecs… Une fresque mélancolique mais aussi brutale qui prend aux tripes et à la gorge...et qui me donne envie de relire le roman…