Avec Leurs enfants après eux, Ludovic et Zoran Boukherma adaptent le roman de Nicolas Mathieu en un drame d’une sobriété mélancolique, fidèle à l’univers gris et désabusé des années 1990. Si le film propose des moments de grâce indéniable et des performances prometteuses, il est aussi marqué par des maladresses qui empêchent l’expérience d’être pleinement satisfaisante. Entre fulgurances et errances, voici une œuvre qui laisse une impression contrastée.
L'un des aspects les plus réussis du film est son ambiance. Les vastes paysages industriels déchus de l’Est de la France sont capturés avec une beauté morose par la caméra d’Augustin Barbaroux. Chaque image suinte une chaleur oppressante et une langueur existentielle, renforçant l’impression d’un été sans fin où le temps semble suspendu. Si cette esthétique immersive est impressionnante, elle finit parfois par étouffer le spectateur, surtout lorsque l’action peine à avancer. On ressent presque trop bien l’ennui du protagoniste, ce qui rend certaines scènes plus éprouvantes que captivantes.
Le récit suit Anthony Casati, adolescent en quête de sens, et sa rencontre avec Stéphanie, qui agit comme un catalyseur de ses désirs et frustrations. Le cadre est prometteur, mais l’exécution manque parfois de dynamisme. La disparition de la moto, point de bascule de l’intrigue, est traitée avec une légèreté presque frustrante. On s’attend à un crescendo émotionnel qui ne vient jamais vraiment. Les thématiques centrales – la désillusion, l’exploration de soi, les disparités sociales – sont effleurées mais rarement approfondies, ce qui laisse un sentiment d’inachevé.
Paul Kircher, qui incarne Anthony, offre une prestation nuancée. Il parvient à capturer la vulnérabilité et l’apathie de son personnage, bien que son jeu manque parfois de variations pour maintenir l’attention. Angelina Woreth, dans le rôle de Stéphanie, illumine l’écran à chacune de ses apparitions, bien que son personnage reste en retrait. Gilles Lellouche et Ludivine Sagnier, incarnant les parents d’Anthony, ajoutent une certaine densité émotionnelle au film, mais leurs interactions sont trop peu nombreuses pour vraiment marquer.
Les frères Boukherma tentent d’insuffler une ambition esthétique à cette adaptation, empruntant à des cinéastes comme Paul Thomas Anderson ou Martin Scorsese dans leur approche visuelle. Si certains choix fonctionnent admirablement, comme l’utilisation de la lumière naturelle ou les plans contemplatifs, d’autres paraissent superflus. À vouloir trop en faire, le film perd parfois en authenticité. L’équilibre entre l’intimisme du roman et les envolées cinématographiques manque de finesse.
Ce qui aurait pu être une fresque sincère et vibrante sur une jeunesse désorientée se transforme parfois en exercice trop conscient de lui-même. Les moments d’émotion pure, rares mais puissants, sont noyés dans une structure narrative qui s’étire et des scènes qui cherchent à impressionner plus qu’à émouvoir. Le film semble vouloir dire beaucoup de choses sans jamais les articuler pleinement, ce qui peut frustrer le spectateur.
Leurs enfants après eux est un film qui fascine autant qu’il déçoit. Il propose une plongée visuellement remarquable dans les méandres d’une adolescence en quête de sens, mais il peine à maintenir un équilibre entre ambition et exécution. L’atmosphère, les performances et certains moments d’émotion justifient l’expérience, mais les longueurs et le manque d’impact narratif empêchent le film d’atteindre des sommets.
C’est une œuvre qui invite à la réflexion, mais qui, par son rythme inégal et ses choix parfois trop calculés, risque de laisser une partie de son public sur le bord du chemin. Un film qu’on regarde avec respect, mais dont on sort avec des réserves.