Que penser de ce film ?
Je ne sais par où commencer, tant ce que j'ai vu m'a chamboulé. Tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai pas lu le roman et ne suis donc pas enclin à juger la qualité du scénario. Néanmoins, ce n'est pas L'histoire qui définit la valeur de "Leurs enfants après eux", mais plutôt LES histoires, celles qui s'entremêlent, celles qui se conjuguent, histoires d'amour, bien sûr, mais aussi de filiation, de résilience, de dépendance, de vengeance, de lutte acharnée contre l'adversité (quelle qu'elle soit)... Car ce qu'il faut retenir de CES histoires, c'est surtout leur dénominateur commun : cette ivresse indispensable - l'amour, l'alcool, les rêves... - à l'existence, car, et comme le dit très justement l'un des personnages, "on est tous dans la même merde" et l'oubli est notre seul refuge. Certains boivent, certains fument et certains aiment. Bien sûr, il s'agit avant tout d'aimer dans ces histoires. Quoi de plus simple et, en même temps, quoi de plus vrai ? Aimer pour oublier. Le message est simple, et pourtant, pour le transmettre avec justesse, la tâche s'avère bien complexe...
Et c'est là que réside toute la réussite du film : la réalisation virtuose des frères Boukherma, dans une mise en scène soignée, inventive et jouissive, parvient à traiter la simplicité comme une réelle complexité et nous fait voir l'humain sous un nouveau jour : qui sommes-nous, créatures éphémères, où allons-nous, seuls, sur cette Terre, et d'où venons-nous, fils de nos mères et de nos pères ? Le film pose des questions existentielles et pose un regard attendri sur la condition des hommes, les aléas de la vie et de l’adolescence.
Paul Kircher, magnétique, porte le film sur ses épaules et livre une prestation troublante, incarnée, comme s'il était vraiment son personnage. A ses côtés, les jeunes comédiens ne sont pas en reste, à l'instar de Angelina Woreth, merveilleuse dans le rôle de Stéphanie, Sayyid El Alami, au jeu sensible et ambigu, ou encore Louis Memmi, spontané et attachant dans le rôle du cousin. Ludivine Sagnier est tout bonnement magistrale en mère courage, authentique et bouleversante. Mais la palme de l'émotion revient sans conteste au personnage interprété par Gilles Lellouche, poignant dans ce rôle tout en pudeur et malmené par la vie. Vous l'aurez compris, le jeu des comédiens est certainement l'atout majeur de ce film, même si la qualité d'écriture des scènes y est aussi pour beaucoup. Impossible d'énumérer toutes les scènes marquantes, car le film est un enchaînement continu de moments forts où l'apaisement n'a pas sa place. La reconstitution des années 90 dans cette région industrielle participe à l'atmosphère singulière du long-métrage et c'est beau de voir le cinéma s'intéresser à la vie des petites gens, sans caricaturer, ni verser dans le mélodrame.
Mais dans ce chaos incessant, nous murmure le film, surgit parfois un instant, le temps d’un baiser ou d’un feu d’artifice, pour oublier la vie et vivre dans l’oubli.