Michael Bay est désormais bien installé comme l’un des réalisateurs les plus rentables d'Hollywood. C’est après une carrière prolifique dans le domaine des clips musicaux qu’il est remarqué par les deux producteurs Jerry Bruckheimer et Don Simpson. Il se retrouve donc à la réalisation de « Bad Boys », comédie policière roborative avec Will Smith et Martin Lawrence dans les rôles principaux. Le succès est au rendez-vous. Il enchaînera avec deux autres films d’action qui sont sans doute parmi les meilleurs d’une filmographie certes couronnée de succès mais qui s’est un peu perdue au fil du temps dans la répétition mécanique (c’est un euphémisme !) de films à effets spéciaux, notamment avec la série des « Transformers » à ce jour déclinée en cinq segments. « Rock », le deuxième film de Michael Bay où avant que Bruce Willis et Ben Affleck ne sauvent le monde dans « Armageddon » (1998), Sean Connery et Nicolas Cage plus modestes se contentent de la baie de San Francisco en passe d’être vidée de ses habitants asphyxiés par un gaz mortel, est bien sûr un film à regarder au second degré. Ed Harris incarne un général proche de la retraite qui décide de prendre le contrôle de l’île d’Alcatraz d’où il menace de lancer des missiles sur la baie de San Francisco pour obtenir du gouvernement qu’il reconnaisse les vétérans tombés au combat sur des théâtres d’opérations extérieures en versant à leurs familles une très lourde indemnité. Pour se dépêtrer de cette situation ingérable, le FBI décide de prendre d’assaut Alcatraz en faisant appel au Capitaine John Patrick Mason des SAS (Sean Connery), seul détenu à s’être jamais échappé de la fameuse prison et qui connaît les sous-sols de l’île comme sa poche. Il sera aidé dans sa mission par Stanley Goodspeed (tout un programme !), un expert chimiste du FBI (Nicolas Cage) complétement novice quant aux opérations sur le terrain. Les trois rôles poussés jusqu’à la caricature, insérés dans une intrigue improbable au possible orientent clairement le film sur la voie de la parodie qui bien qu'habillée des oripeaux du film d’action sérieux, ne cache pas très long-temps sa véritable nature. Croire un seul instant que Michael Bay, ses scénaristes et ses acteurs se prennent au sérieux relève sans doute d’une envie irrépressible de coller à une époque où faute de confrontation d'idées argumentées et consistantes, débusquer des fascistes, des sexistes et des racistes partout par le biais privilégié de l'invective quelquefois à la limite de l’injure, aura sans doute à terme des effets contraires à ceux recherchés. Il faut admettre que l’artillerie lourde déployée par la mise en scène qui ne lésine pas sur la qualité esthétique ajoutée au prestige du casting peut laisser croire que tout ce petit monde est complétement impliqué dans l’histoire abracadabrante qui est servie à un spectateur dont Michael Bay a dû penser qu’il y avait suffisamment semé d’énormités et de dérision pour que celui-ci comprenne que le réalisateur brocarde les institutions de son pays en usant d’un humour potache assez réjouissant. Écarter un peu ses œillères sera néanmoins nécessaire. Sean Connery, Nicolas Cage et Ed Harris l’ont, eux, bien compris qui cabotinent à fond, se livrant à une surenchère dans le domaine qui fait plaisir à voir. Il faut rappeler qu’Ed Harris et Nicolas Cage ont tous les deux soutenus les candidats démocrates et que Sean Connery alors qu’il était en pleine période James Bond, ne s’est jamais privé de prendre le risque de briser son image de séducteur en tournant des films fortement engagés comme « La colline des hommes perdus » (1965) ou « The Offence » (1973) pour Sidney Lumet, peu soupçonnable d’agiter des idées rétrogrades ou belliqueuses. Même sensibles à l'octroi d'un gros cachet, ces trois acteurs présents au casting n’auraient certainement par eu simultanément l’idée de tourner un film destiné à des spectateurs décérébrés sous la direction d'un réalisateur bas du front. Michael Bay tout comme Michael Winner avant lui ainsi que leurs spectateurs sont parfois accusés de tous les maux de la Terre, quelquefois à l'aide de noms d’oiseaux. Leur cinéma est donc largement prévisible pour leurs pourfendeurs. On peut dès lors s’interroger sur le plaisir masochiste ressenti à s’infliger toutes ces purges. Peut-être s’agit-il tout simplement, sous couvert d’une mission de rééducation des masses incultes, de se livrer à un plaisir coupable ? Il est vrai que lorsqu'on est sûr de détenir la vérité vraie, tout semble permis. En résumé, il en faut pour tous les goûts et ne pas croire que le public se diviserait en bons et mauvais (pour rester poli) spectateurs. On peut donc voir « Rock » de Michael Bay sans y détecter obligatoirement une ode aux sentiments les plus bas de l’homme. On peut même y trouver une pochade qui se parerait de tous les stéréotypes précités pour mieux en dénoncer les aspects ridicules et pathétiques.