How to Have Sex a obtenu le Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023.
How To Have Sex est le premier long-métrage de Molly Manning Walker en tant que réalisatrice. Elle a auparavant officié comme directrice de la photographie sur une quarantaine de productions. À l'origine, elle voulait devenir réalisatrice de documentaire mais ses études à la National Film and Television School de Londres lui ont fait comprendre qu'il était plus facile de mobiliser des fonds dans le domaine de la fiction. Elle est ainsi devenue chef opératrice dans la section fiction puis a fait son film de fin d'études avec sa meilleure amie comme réalisatrice, avant de se mettre à écrire et réaliser ses propres courts-métrages.
Lors d’un mariage à Ibiza, la réalisatrice a retrouvé des amis de jeunesse avec lesquels elle s'est souvenue de leurs premières vacances sur cette île et notamment d’une histoire de fellation en public sur une scène. "On s’en souvenait tous et nous nous sommes rendus compte de l’impact que cela avait eu sur les ados que nous étions. Je n’avais pas pris conscience que ces événements avaient eu une telle incidence sur ma vie sexuelle, mais aussi sur celle de toutes les filles à qui j’ai parlé pendant ce mariage. C’est là que tout a commencé et que j’ai abandonné le scénario sur lequel je travaillais à Londres."
L'équipe a à l'origine fait des repérages à Magaluf sur l’île de Majorque dans les Baléares, mais la forte présence de la mafia représentait une contrainte pour le tournage. La production s'est finalement installée sur l'île de Malia en Crète. La réalisatrice raconte : "je n’étais pas convaincue au départ car je voulais que l’on retrouve ces complexes hôteliers comme à Magaluf qui ressemblaient à des barres d’immeuble avec plein de vis-à-vis. Mais pouvoir tourner avec des figurants et avoir une semaine supplémentaire de tournage m’ont convaincue".
Le tournage a duré six semaines, les deux premières ont été consacrées uniquement aux scènes de fête et les quatre suivantes étaient pour celles de l’hôtel. "Lors de mes premiers jours de tournage, j’ai dû diriger 250 à 300 figurants en extérieur, une scène d’agression sexuelle et la scène de fellation sur scène, tout ça avec une météo complexe. Le troisième jour lors de la pause déjeuner, j’ai dû me rappeler à moi-même qu’il fallait que je prenne du plaisir malgré la difficulté", se souvient Molly Manning Walker.
La rencontre avec Mia McKenna-Bruce, qui incarne Tara, a été une évidence pour la réalisatrice : "elle avait cette nature joyeuse mais, au fond d’elle, une certaine tristesse que je n’avais vu chez aucune autre comédienne lors des castings. Il était primordial à mes yeux qu’elle ne joue pas la pauvre victime sans défense. On voulait que Tara soit pétillante, extravertie et drôle même après l’agression, parce que, malheureusement, c’est aussi une réalité pour pas mal de gens : il faut se relever et aller de l’avant. C’était la combinaison parfaite, je l’ai trouvée incroyable dès le départ."
Pour filmer les scènes de sexe et d'agression, un coordinateur d’intimité était présent sur le plateau pour "chorégraphier" les mouvements des acteurs. La réalisatrice confie : "je me suis rendue compte que ces scènes étaient plus compliquées pour les garçons que pour les filles. Peut-être parce qu’ils reconnaissent certains de leurs comportements ou ceux de leurs amis, cette brutalité qui peut émerger. C’était difficile et très chargé en émotion".
How To Have Sex montre la première relation sexuelle d'une jeune femme comme un rite de passage, et interroge la notion de consentement. Des sujets qui ne laissent pas indifférents et ont suscité des réactions polarisées chez les spectateurs. Celles-ci ont conforté la réalisatrice dans son choix de représenter les agressions non pas d’une manière violente ou excessive, mais réaliste : "nous devions aborder la complexité de la pression sociale en matière de sexualité et montrer que nous sommes un produit de cet environnement afin d’esquisser de nouvelles pistes d’avenir pour que la jeune génération se sente moins seule. Après les quelques projections qui ont eu lieu jusqu’à présent, je me rends compte que les jeunes filles sont très émues et me remercient d’avoir traité de ce sujet complexe et important à leurs yeux. Cela reste encore compliqué pour les garçons, souvent ils ne restent pas lorsqu’il y a un échange avec le public à la suite du film."
Même au Festival de Cannes, où le long-métrage a été présenté et récompensé dans la section Un Regard Regard, la réception faite par les journalistes hommes a marqué Molly Manning Walker : "ils évoquaient l’alcool pour excuser les agressions ou le fait que Tara ne dise pas non, la responsabilité à leurs yeux semblait partagée..."