A propos du deuil
Décidément, la bande-annonce relève d’une alchimie complexe, entre donner envie de voir un film sans trop en dire. Ici, j’ai le regret de dire que celle qui a précédé le film de Camille Japy, était trompeuse, car nous laissait miroiter une comédie un peu saugrenue autour d’un décès impromptu et le corps dissimulé sous le lit conjugal. On croit être parti pour 97 minutes de comédie gentillette peuplée de personnages plus ou moins farfelus. Que nenni ! Odile se prépare à fêter son anniversaire. Alors que ses enfants et petits enfants sont en route pour la soirée, Jean, son mari, décède brutalement. Incapable de faire face à cette réalité, elle le cache sous son lit... Cette comédie dramatique est beaucoup plus dramatique que comique. Le sujet est grave, les non-dits familiaux, les caractères forts qui s’affrontent, tout concours à faire de ce film une bonne surprise… dans toute l’acception du terme. Et puis, quel casting !
Camille Japy, à 54 ans, a déjà derrière elle une filmographie importante, mais en tant qu’actrice, car c’est ici sa 1ère réalisation et son 1er scénario. Elle a voulu, ici, approfondir les thèmes du deuil et des liens familiaux, ce qu’elle nomme elle-même, la force réparatrice de l’amour et du « dire ». Soudain le drame d’une mort se transforme en une chance à saisir pour se réparer, vivre mieux, dans un nouvel équilibre, autrement… Les moments de gravité sont sans arrêt balayés par des moments de comédie et vice versa. Le comique et le tragique ne se côtoient-ils pas à chaque instant dans l’existence, de manière inattendue. Le chagrin et la joie s’entrechoquent. Comme la vie et la mort qui sont intrinsèquement liées. C’est une bâtisse de Chatenay-Malabry qui sert de décor et qui devient un personnage à part entière dans cette histoire. Ajouter à cela une lumière solaire qui nimbe une photographie très soignée, la musique originale de M et, je le répète, un casting +++ et vous avez un des beaux films français de l’été.
Ariane Ascaride est tout simplement magnifique, passant avec une aisance stupéfiante de la douleur à la joie, de l’abattement à la colère… Un grand numéro d’actrice avec un grand A. Bérénice Bejo, en mère et fille psychorigide, rongée à la fois par le doute, la jalousie et le désir de mieux faire est parfaite elle aussi. On ajoutera à ce duo majeur, les présences de Thomas Scimeca, Marilou Aussilloux, Stéphane Brel, Christophe Odent et 3 enfants épatants car très justes, Hugo Questel – déjà vu dans La Chambre des merveilles -, Scarlett Cholleton et Luce Rénier. Voilà donc une variation originale sur le deuil – le choc et le déni -, qui pourrait ensoleiller votre été.