N’attendez pas trop de la fin du monde : les secrets du tournage

Selon Radu Jude, N'attendez pas trop de la fin du monde est composé de deux histoires sur le thème de l'exploitation, elles-mêmes entourées d'autres récits. "La narration est importante et la structure du film le montre : deux parties, et dans la première un dialogue avec un vieux film roumain, avec différents styles, etc. Il me semble que la structure, l’architecture du récit est aussi importante que le récit lui-même." Il a voulu connecter "plusieurs récits (sur l’exploitation, la mort, les images), plusieurs genres (road-movie, comédie, film de montage, documentaire), plusieurs types d’humour (du plus simple au plus raffiné) et plusieurs stratégies au niveau de l’esthétique, que le public appréciera ou détestera, voire les deux".

Le film dialogue avec un long-métrage roumain de 1981, Angela merge mai departe, réalisé par Lucian Bratu. Il met en scène une femme chauffeure de taxi et son quotidien sous la dictature communiste. Radu Jude voulait opposer ce portrait à celui d’une femme chauffeure dans la société capitaliste post-totalitaire. Il a choisi Angela merge mai departe car il s'agit du seul film de cette époque avec un personnage de ce type. "En y regardant de plus près, j’ai découvert que ce film regorgeait d’éléments subversifs, lancés comme des bouteilles à la mer. Par exemple, il est tourné dans les beaux quartiers de Bucarest. Mais comme on est aussi dans du cinéma direct, on y voit parfois brièvement des choses qui ne devraient pas y figurer: des pauvres aux vêtements miteux qui attendent le bus, des gens qui font la queue pour de la nourriture, des murs délabrés, etc. Ce sont de brefs instants, quelques secondes maximum. [...] C’est pourquoi j’ai ralenti ces moments qui ont échappé à la censure, pour les rendre visibles aux spectateurs d’aujourd’hui et permettre leur analyse."

Après avoir tenu des petits rôles dans les précédents films de Radu Jude, Ilinca Manolache tient le rôle principal de N'attendez pas trop de la fin du monde. "Outre son talent, elle a beaucoup de courage, et beaucoup d’humour – que ce soit dans le film ou dans la vraie vie. Elle travaille très dur", affirme le réalisateur à son sujet.

Quant à Ovidiu Pîrșan, comme toutes les personnes handicapées du film, il n’est pas un acteur professionnel. Radu Jude explique qu'il a été victime d’un accident : "C’est incroyable la quantité de travail qu’il fournit. Quelle efficacité ! On s’est tous sentis ridicules à se plaindre."

Le casting se compose aussi de l'actrice allemande Nina Hoss, notamment connue pour sa collaboration avec Christian Petzold et sa participation au film Tár. Le cinéaste craignait que l'actrice trouve le rôle trop petit : "On a discuté sur Zoom, et elle a eu envie de faire le film. Ça lui est égal d’avoir un petit rôle ou un grand rôle, du moment qu’elle aime le projet. Pour moi, ça montre aussi que c’est une grande actrice."

Enfin, on croise même le réalisateur de séries Z Uwe Boll, dans son propre rôle.