Née en 1952, scripte pour Bresson, monteuse pour Depardon et Goupil, Françoise, alias Franssou, Prenant, a passé une partie de son adolescence en Algérie où ses parents « pieds-rouges » s’étaient engagés après l’indépendance. À sa patrie de cœur, elle a déjà consacré un premier documentaire en 2012.
Le second est d’une grande exigence. Son titre élégant, qui emprunte aux essais latinisants des siècles passés ("De Natura Rerum", "De l’horrible danger de la lecture", "De la démocratie en Amérique"…), en annonce la couleur : il s’agira de mettre en images des textes relatifs à la conquête de l’Algérie par la France entre 1840 et 1848.
Ces textes, lus en voix off par des acteurs ou des historiens, ont été écrits par les acteurs de cette conquête, les militaires français à la tête des troupes d’occupation ou les Algériens qui ont essayé de leur résister, ou par d’éminents commentateurs de l’époque (Hugo, Renan, Tocqueville…). Ils sont tour à tour d’un cynisme révoltant, quand ils décrivent avec complaisance les exactions commises, ou d’une remarquable lucidité quand ils dénoncent la barbarie des conquérants et leur cynisme (« Les pauvres diables se souviendront de notre visite. Que veux-tu, nous leur apportons les lumières, seulement nous leur faisons payer la chandelle un peu cher. »).
"De la conquête" souffre hélas de deux défauts rédhibitoires. Le premier est que les textes lus ne sont pas sourcés. Il faut attendre le générique de fin pour en connaître sinon la source du moins l’auteur. Si bien que leur longue récitation devient vite une psalmodie répétitive et soporifique, aussi divers que soient les timbres de voix des récitants.
Le second est que les images glanées par Franssou Prenant d’un Alger ensoleillé et contemporain dont on comprend qu’elles montrent la résilience d’un peuple qui a su survivre à cette conquête et conserver malgré tout son âme, n’ont aucun rapport avec les textes lus qui s’y superposent. Le résultat, schizophrène, est d’abord déroutant. Il devient vite lassant. C’est d’autant plus dommage que le sujet s’annonçait passionnant.