En voulant trop étreindre, Monsieur Aznavour étreint mal. L’approche chronologique d’un scénario soucieux de retranscrire la naissance puis la confirmation d’un artiste contraint le film à une structure épisodique, faite de morceaux de vie qui résonnent comme autant de passages obligés : il faut notre chanteur
témoin des déportations, acteur de la Libération
– donnant lieu au moment le plus ridicule du long métrage, plan-séquence de reconstitution historique pour les nuls durant lequel
on brûle un drapeau nazi, on crie « vive la liberté » en suivant les chars américains
… – puis vu aux côtés de Manouchian, Truffaut, Sinatra. S’ils témoignent d’un indéniable savoir-faire en matière technique, Mehdi Idir et Grand Corps Malade ne disposent d’aucun point de vue sur l’homme qu’ils représentent, par conséquent, de manière hagiographique et servile ; manque un dialogue entre artistes, ce même « un artiste s’entretient avec un artiste » qui faisait le geste esthétique d’un Baz Luhrmann sur Elvis (2022) ou d’une Valérie Lemercier sur Aline (2020). Quant à la direction d’acteurs, nous ne pouvons que déplorer qu’un espace de jeu restreint leur soit proposé, réduisant Tahar Rahim à une confusion physique, à grands renforts de prothèses et de manipulations numériques : celui-ci n’interprète jamais, disparaît toujours derrière le grand « monsieur » qu’il campe.
Le film dure plus de deux heures, pourrait doubler ou tripler ce temps : un unique mouvement le régit avec des chansons comme liant, des scènes opportunistes ayant chacune leur intérêt de tonalité – post-it retrouvailles frère/sœur, émotion et larmes ; post-it relation Aznavour/Piaf, comique sous couvert de domination, etc. Il semble appliquer à la lettre un manuel de scénario atrophiant la sensibilité, enfermant l’humain dans un destin placé – et on l’aura compris ! – sous le signe du travail. Quant à la cause arménienne, qui apparaît pourtant dès les premières minutes par le biais d’archives, elle devient une toile de fond avant de revenir en clausule, négligée alors même qu’elle définissait Charles Aznavour et son rapport au monde.