Viens voir le comédien (Tahar Rahim) ! Monsieur Aznavour peut compter sur la performance du caméléon Tahar Rahim, pour qui jouer des personnalités diverses (pas un rôle qui ressemble au suivant) et pousser la chansonnette (Don Juan) ne semblent pas l'effrayer. Les parties chantées sont des régals pour les oreilles, tout le catalogue y passe (et même des titres légers, avant ses grands succès, que peu de spectateurs doivent connaître... Surtout si vous ne connaissez pas bien le bonhomme, et avez un peu de curiosité : le film est fait pour vous), et l'on découvre des collaborations étonnantes (la partie avec Edith Piaf est moins rythmée mais elle nous fait découvrir ce binôme !). Monsieur Aznavour s'offre de la même façon au petit néophyte qui voudrait rattraper un peu de patrimoine musical français, qu'au fan qui connaît ses vinyles jusqu'au bout du diamant. A ce jeu-là, Tahar Rahim excelle à nous guider avec envie, passion et transe dans les parties musicales comme les dramatiques. Il donne à voir l'homme meurtri (moqué pour ses origines modestes et arméniennes) mais aussi l'artiste prêt à tout pour briller (même si cela implique de négliger sa famille et ses amis), tout nous est dit sans filtre, ou presque. Car, c'est le principal point qui peut bloquer avec ce biopic : il manque de contextualisation, ce qui peut donner l'impression que ses débuts de carrière sont "trop faciles" (on ne voit pas de coupures de presse ou de réclames radio qui l'encensent - à l'inverse des critiques acerbes qu'il lit -, pas forcément beaucoup de salles en pâmoison à la fin de ses chansonnettes - les salles sont même à moitié vides, en témoignent les fauteuils vacants -, et les patrons de cabarets ne le louent pas non plus pour ses capacités exceptionnelles, mais lui et son acolyte Pierre Roche enchaînent quand même les spectacles : il nous a paru y avoir un décalage entre les scènes montrées et le succès très rapide du binôme), idem pour la scène où
il pleure sur son lit car il est ruiné et malheureux mais dont la scène qui suit directement est un triomphe plein de vie dans une immense salle gonflée de gens
(la transition est étrange, on se demandait s'il ne manquait pas un épisode), idem le repas de famille après un show où l'on voit que
sa femme et sa fille
sont à ses côtés (alors qu'il les avait abandonnées : à quel moment cela s'est-il arrangé ?). On chipote sur les liants de cette narration, mais cela n'enlève rien à la performance (comme d'habitude) stupéfiante du caméléon-Rahim, à qui le film doit vraiment tout. Et mention à notre scène préférée : le sample (remix) de Dr. Dre, qui arrive à la fois à faire passer le message du côté "blindé" de l'artiste, le message de l'intemporalité de son influence jusque dans des genres musicaux étonnants, et offre un montage image-son ultra cool. Que cela soit par curiosité ou pour profiter de l'interprétation de Tahar Rahim, n'hésitez plus : venez voir le comédien...