Jacques Romand (Vincent Lindon) est en pleine dépression après le drame familial qu’il a vécu. Après une altercation au collège où il enseigne, amplement relayée sur les réseaux sociaux, il a demandé une disponibilité à l’Education nationale. Un soir, il est témoin d’un vol à la supérette où il fait ses courses et collabore à l’arrestation d’un des larrons. Victor (Stefan Virgil Stoica) a quatorze ans. Il est rom. Orphelin, il est sous la coupe de son oncle qui le bat comme plâtre s’il ne ramène pas chaque jour le fruit de ses petits larcins. Jacques n’accepte pas d’abandonner le gamin à son sort et décide, avec l’aide de Harmel, la directrice d’une association, de lui venir en aide.
Je suis allé voir avec des semelles de plomb ce film dont la bande-annonce avait été diffusée ad nauseam pendant tout le mois de février. Il ne passait plus en troisième semaine que dans une seule salle parisienne, à des heures improbables, signe évident de son échec cinglant. Pourtant j’aime beaucoup le cinéma noir et tendu de Nicolas Boukhrief ("Le Convoyeur", "Made in France", "Trois Jours et une vie"…).
Abandonnant son registre habituel, Boukhrief marche sur les pas du cinéma social des frères Dardenne et de Stéphane Brizé. On pense aux premiers, et notamment au "Gamin au vélo", un de leurs tout meilleurs films, qui racontait aussi l’histoire de l’attachement d’une adulte (Cécile de France) pour un enfant. On pense évidemment au second à cause de Vincent Lindon, son acteur fétiche. Le futur candidat à l’élection présidentielle – Le Monde, dans un long reportage, racontait le mois dernier ce fantasme délirant – se plaît à passer le costume d’un rôle qui lui est désormais familier : celui du mâle blanc d’âge mûr qui tout à la fois porte sur ses épaules le poids de la culpabilité de notre système injuste/capitaliste/postcolonial, refuse de se laisser broyer et puise dans les forces qui lui restent le ressort d’une juste colère.
Ce message, si politiquement correct, me sort des yeux. Je conçois volontiers la subjectivité de ma réaction et j’accepte tout aussi volontiers qu’on ne la partage pas. On me rétorquera – et on n’aura pas tort – que les violences infligées à ce gamin, la main tendue de cet homme en miettes, la manière dont il aide ce fils de substitution (ah ! le titre !) tout en se reconstruisant sont justes et belles. On pourra même ajouter que ces sentiments là sont préférables à ceux, radicalement opposés, qui prôneraient le racisme ou l’exclusion. Ces arguments sont recevables. Mais tant de bien-pensance mielleuse finit par coller aux doigts.
Et, si on revient d’un terrain politique vers celui plus strictement cinématographique, on ne peut que bâiller d’ennui devant un scénario qui déroule un récit dont on connaît depuis la bande-annonce le début, le milieu et la fin.