«The Rocky Horror Picture Show» (Grande-Bretagne, 1975) de Jim Sharman est considéré par tout un pan d'une génération comme un film culte. L'appellation, oh combien galvaudée, de film culte contient en elle seule toute la nouvelle fonction qu'occupe le cinéma depuis que la Modernité a laissé place au fun des productions hédonistes. Le film de Sharman est un pastiche, un hommage, si on veut, aux musicals, à la RKO, à l'Hollywood classique déchu. Britannique, le film reprend tous les personnages constitutifs de la comédie musicale et les détourne comme on manipule des chiffons de marionnettes pour mieux les rendre ridicule, pour mieux faire rire, pour mieux faire «culte». Ironie du sort, en 1978, les Etats-Unis font renaître la comédie musicale avec le niais «Grease». «R.H.P.Sh.» tourne en dérision la maestria bienséante des grandes productions hollywoodiennes d'antan. Pourtant à mesure que le film se poursuit, l'oeuvre de Sharman se révèle être aussi maîtrisée et engoncée que les films de studio. Le délire finale ne suffit pas à exploser les règles du musical, et encore moins à les reformuler. Sur la base des films hollywoodiens, reproduisant leur mode de production, «R.H.P.Sh.» aspire comme eux à divertir. Sharman, tout respectueux de son objet qu'il est, oublie d'en réajuster la formulation pour lui donner une figure singulière, pour se destiner à un autre but. Et pourtant le meilleur de Sharman ne vaut pas le pire de Donen-Kelly puisque le premier n'est que la copie du second. Faut-il alors jouir d'une telle oeuvre (car l'hédonisme n'est rien d'autre que l'enjeu du «film culte») ? Certainement pas, il faudrait plutôt s'en décevoir. Aimer «R.H.P.Sh.» revient à aimer ses reproductions de chefs-d'oeuvre qui, sur le postulat de copier une grande oeuvre, doivent être adulées. Soulageons-nous que Sharman n'ait pas voulu parodier des films de série Z (comme ce fût le cas, par ailleurs, avec le sinistre «Scary Scream Movie»).