6 ans après son premier long-métrage, l'excellent thriller intimiste et psychologique «Jusqu'à la Garde», Xavier Legrand nous revient avec ce «Successeur», et devant lequel j'ai eu un ressenti quelque peu en dents de scie pour être sincère, alternant entre idées surprenantes et choix plus discutables.
S'ouvrant sur une séquence de défilé immersive et presque hypnotique, le film nous déroule l'histoire d'Ellias, célèbre couturier à la personnalité assez anxieuse, devant se rendre au Québec pour organiser les obsèques de son père, avec lequel il était en froid depuis pas mal de temps.
Un film qui, jusque-là, peut s'apparenter à pas mal de drames familiaux similaires, malgré une réalisation plus recherchée dans son ensemble.
Tout suit son cours...jusqu'à cette bascule (dont je vais éviter de trop vous parler ici, histoire de garder intact l'effet de surprise). Et c'est justement cette bascule dans le thriller qui, à mes yeux, fait tout d'abord la force puis la faille de ce film.
Il y a cet effet de sidération, qui nous est très bien communiqué par l'interprétation du talentueux Marc-André Grondin (qui marque son retour dans le cinéma français, et ça fait plaisir) et nous place dans le même état que lui à ce moment-là. Et il y a ce qu'il se passe ensuite, et ces choix qui interrogent et me font sortir en partie du film : pourquoi vouloir continuer à cacher quelque chose comme ça et ne pas appeler la police une fois l'effet de sidération passé ? Pour protéger l'image d'un père qu'il ne porte plus dans son cœur depuis longtemps ? Ou lui-même, ce qui en ferait quelqu'un de très égoïste ?
Un second tiers qui pêche clairement à mes yeux, avec sa succession de mini-rebondissements un peu grotesques, comme si le réalisateur voulait à tout prix entretenir une tension à l'intérieur de cette maison paternelle, mais à laquelle j'avais beaucoup de mal à croire.
Et, alors que la fin commençait à approcher et que je commençais à perdre espoir que Legrand nous serve un second film qui marque autant que son premier, voilà que le cinéaste nous sort une révélation autour du meilleur ami du père (que je soupçonnais, mais pas du tout pour les bonnes raisons), et sans prévenir nous replonge dans le drame le plus pur et un second effet de sidération, décuplé cette fois-ci.
Le genre de sidération devant lequel les mots ne suffisent plus et marque à jamais. Le genre de sidération qui ne pourra connaître que deux issues : la vérité ou la fuite. Parce que l'image qu'on se fait de quelqu'un ne correspond pas toujours à la réalité, qu'il s'agisse d'un montage de vieilles photos ou de la couverture d'un magazine.
Accompagné d'une mise en scène de bonne tenue (notamment une séquence circulaire assez ingénieuse), ce nouveau récit psychologique traite la question de l'héritage et de l'hérédité, mais peine à convaincre autant qu'il le devrait, la faute à certaines invraisemblances au cours du récit qui impactent forcément le reste du film.
Une œuvre finalement plus convaincante dans son aspect dramatique que lorsqu'elle bascule dans le thriller en huis clos. 6-6,5/10.