[J’ai vu le 2 en croyant voir le 1, ah ! pas grave.]
« The Wandering Earth 2 » est un blockbuster chinois qui prétend montrer de la science-fiction dure à la « Premier Contact », mais se vautre dans l’ineptie scientifique et l’action décérébrée à la « Fusion (The Core) » (ou « Armageddon », vous avez l’idée), et fait l’apologie de l’autoritarisme chinois.
Impossible de suspendre son incrédulité, pendant presque trois longues heures (2H50), à ce scénario absurde fait d’esbroufe, de poncifs ringards, de gadgets hors-sujet, de divagations sans queue ni tête à propos d’ordinateur quantique et de conscience artificielle. En outre, les scènes sont souvent illisibles (notons quand même que quelques bonnes idées de mise en scène surprennent agréablement). Dommage car il y avait une ambition de grand spectacle, avec de beaux décors de SF et des effets spéciaux pas trop moches. Dommage car l’idée de départ, à admettre (gros gros axiome, certes), était pleine de potentiel science-fictif.
Marquant sa spécificité chinoise face à l’héroïsme individualiste et américano-centré de Hollywood, « The Wandering Earth 2 » (comme « Premier Contact ») met en scène une coopération internationale, où l’action n’est pas portée par un héros central mais par de nombreuses personnes ordinaires agissant chacune à leur niveau. Hélas, on n’a que des personnages-fonctions stéréotypés, sans profondeur, réduits à l’état de rouages dans une machine écrasante.
Hélas surtout, ce n’est pas du tout neutre politiquement ! (Que pouvait-on espérer d’un film non seulement autorisé par la censure de Pékin, mais même soutenu par les médias d’État ?) Le multilatéralisme affiché fait écho à la géopolitique chinoise et le film taille la part belle à la Chine, avantageusement dépeinte comme leader du « gouvernement international » et moteur de toute l’action. Si on pourrait à la rigueur l’admettre d’un film destiné au public chinois (il est même assez amusant de voir le dirigeant étasunien, inconstant et démagogique, demander humblement conseil au chinois), en revanche on ne peut pas accepter sa charge anti-démocratique.
Le « gouvernement international » (en fait réduit aux 5 États permanents du Conseil de Sécurité de l’actuelle ONU !) est un pouvoir centralisé décidant verticalement, pour le plus grand bien, au mépris de l’opinion de la population. Il est facile d’y reconnaitre l’autoritarisme chinois. En quelques secondes le film (sorti après les manifestations à Hong-Kong et la pandémie de covid) fait passer les opposants de manifestants à émeutiers, à terroristes, puis (plus tard) à fanatiques religieux aux motivations vagues. On déplore le surarmement des manifestants (!) et les victimes dans les forces de l’ordre, pourtant dotées de moyens futuristes stupéfiants qui confondent police et armée… On glorifie l’armée, entrainée dans la joie, sans ennemi, dans le but manifeste, donc, de l’employer contre la population !
Quand il y a deux plans pour sauver l’Humanité, le gouvernement impose celui qui n’est préféré que par une minorité de ladite Humanité ; sans doute que celle-ci ignore ce qui est bon pour elle. Quand ce plan marche moins bien que prévu, on décide de sacrifier la moitié de la population terrestre ; et le film ne suggère même pas les troubles que ça provoquerait ! Car le film, évidemment, accorde une place centrale à l’idée de sacrifice. Dans les films américains, le sacrifice, c’est la bravoure de héros volontaires. Dans « The Wandering Earth 2 », c’est le devoir de tout un chacun. Le sacrifice n’est pas consenti, il est imposé. Un personnage déplore « qu’il est difficile de choisir entre sa famille et sa patrie. » Sa patrie ?
Dommage car, même si la critique de l’IA et des caméras était hors-sujet, il y aurait eu quelque chose d’intelligent à en faire. Dommage car l’approche internationale et anti-héroïque était l’aspect le plus intéressant du film.
Ce n’est pas une surprise : presque tous ces défauts, je les trouvais déjà dans les romans de Liu Cixin, champion chinois autorisé de la science-fiction qui jouit en Occident d’une certaine complaisance, par exotisme, par relativisme culturel… (car « Le problème à trois corps », contrairement à certains qui en chantent la louange, moi, je l’ai lu).