C'est autour d'une grande horloge donnant l'heure de plusieurs pays se trouvant dans le bulding d'Earl Janoth, l'un des grands patrons de la presse, que se déroule l'action du film, là où ce dernier dirige ses journalistes d'une main de maître notamment le jeune George Stroud qui va vite se retrouver dans une situation bien compliquée...
C'est sur George Stroud que John Farrow braque sa caméra, le mettant peu à peu dans un piège où plusieurs éléments vont se retourner contre lui. Très bien écrit, que ce soit lui où les relations qu'il va avoir avec les autres personnages, on s'intéresse très vite à lui et comment il va devoir faire face à plusieurs dilemmes, tant sur le plan privé que professionnel. C'est donc aussi grâce à une partie de la galerie de personnages autour de lui que ça marche, que ce soit son impitoyable patron ou sa femme, qui vont eux aussi se retrouver au milieu de cette affaire, Farrow arrive à donner à tous de l'importance et laisse planer mystère et ambiguïté sur eux et les enjeux.
Néanmoins, si La grande Horloge reste réussi et plaisant à suivre, certains points sont plutôt décevants, notamment la légèreté que Farrow instaure à certains moments et qui n'est pas propice au récit, surtout que la noirceur et la parano autour de Stroud n'est que partiellement retranscrite. De plus, certains personnages sont pas ou mal exploités (tel le bras droit de Janoth ou le peintre) tandis que la finalité de l'oeuvre laisse franchement à désirer et tombe dans une certaine facilité. C'est vraiment dommage car dans l'ensemble Farrow orchestre plutôt bien son récit, du moins avec efficacité et sachant prendre son temps lorsqu'il le faut.
Farrow maintient un suspense tenant tout le long, tant sur la finalité du récit que les péripéties que Stroud va avoir en face de lui. Il met en place une atmosphère assez oppressante, qui tournera par moment à la paranoïa, distille intelligemment (à l'image de la façon dont Stroud va devoir enquêter sur lui-même) les divers éléments de l'intrigue et rend son récit de plus en plus haletant. Derrière la caméra, il se permet quelques plans originaux et ne manque pas de bonnes idées à l'image de quelques superbes plans-séquences tel celui d'introduction. La photographie en noir et blanc est superbe et il orchestre par moments un excellent jeu d'ombres et de lumières. Et enfin, devant la caméra, Ray Milland et Charles Laughton livrent de brillantes compositions, sachant retranscrire toutes les particularités de leur personnage.
Si certains points s'avèrent décevants, ils ne nuisent pas non plus au plaisir pris devant cette oeuvre qui bénéficie d'une intrigue solide et habile, d'un réalisateur inspiré et d'excellents interprètes.
À noter que le roman d'origine a connu une autre adaptation sous le nom de No Way Out signé Roger Donaldson en 1987 avec, entre autres, Kevin Costner qui reprend (en quelque sorte, l'intrigue et les personnages sont assez différents) le rôle de Ray Milland et Gene Hackman celui de Charles Laughton. Un film réussi qui s'éloigne sensiblement de cette version-là.