Fille d’un père français descendant d’une longue lignée aristocratique et d’une mère américaine, Catherine dite Niki de Saint-Phalle (Charlotte Le Bon) naît en 1930 à Neuilly-sur-Seine, grandit aux Etats-Unis, s’y marie à Harry Matthews (John Robinson), un poète, revient s’installer en France, avec son mari et sa fille Laura née en 1951, et y travaille comme mannequin. Elle traverse en 1953 un grave épisode dépressif, est internée dans un asile psychiatre et retrouve son équilibre mental grâce à la pratique de l’art. Bientôt séparée de son époux, elle s’installe à Paris dans une colonie d’artistes impasse Ronsin dans le 15ème arrondissement. Elle y rencontre Jean Tinguely (Damien Bonnard) et y monte ses premières performances qui la rendront bientôt célèbre.
Le pitch que je viens d’écrire ressemble-t-il à une notice Wikipédia ? La faute à la forme très classique de ce biopic qui raconte entre 1950 et 1960 les dix années de formation de Niki Matthews, qui reprendra son nom de jeune fille après son divorce.
Sa réalisatrice est bien connue. Il s’agit de Céline Sallette, qui signe son tout premier film, après une quarantaine de films devant la caméra, au cinéma ("L’Apollonide", "Rouge", "Mais vous êtes fous"…) ou à la télévision ("L’Ecole du pouvoir", "Vernon Subutex"). Il a été présenté à Cannes dans la section "Un certain regard", mais en est reparti bredouille.
Il est certes sublimé par l'interprétation impeccable de Charlotte Le Bon dont la beauté frêle, la fragilité gracile, les yeux immenses dans le visage en triangle font merveille. Mais cette qualité mise à part, "Niki" est bien fade. Il souffre d'un handicap rédhibitoire : la production n'a pas obtenu les droits de montrer l'oeuvre de Niki de Sainte-Phalle dont nous ne verrons rien sinon l'effet qu'elle produit sur les personnages qui la contemplent.
Sorti la même semaine que "Lee Miller", "Niki" lui ressemble caricaturalement : le même genre, le biopic, quasiment la même époque et les mêmes décors (la première scène de "Lee Miller", sur les bords de la Méditerranée, aurait pu être glissée à l’identique dans "Niki"), la même héroïne féminine en butte au patriarcat de l’époque qui parvient non sans mal à s’affirmer grâce à son art.
Comme Lee Miller, Nikki de Saint-Phalle a été violée par son père dans son enfance et a porté toute sa vie durant ce lourd secret avant d’en faire l’aveu tardif. Ce viol l’a durablement traumatisée – comme il avait traumatisée la photographe américaine. Mais on a l’impression désagréable que l’évocation parfois complaisante de ces agressions sexuelles est devenue le passage obligé de toute biographie qui se respecte. Comme si c’était devenue une condition nécessaire sinon suffisante à la reconnaissance du statut d’artiste et à la réalisation d’un biopic.