L’image de Robert Florey (1900-1979) maintenant largement jaunie a toujours été assez floue malgré une carrière prolifique de réalisateur à Hollywood qui le vit s’intéresser à tous les métiers du cinéma notamment l’écriture d’articles dans des revues comme « Ciné Magazine » ou de livres précieux relatant la vie à Hollywood au temps du muet. Né à Paris en 1900, Robert Florey s’exile à Hollywood en 1921, envoyé dans la Mecque du cinéma pour le compte d’une revue. Son entregent et sa faconde y font merveille, lui permettant de côtoyer assidûment le couple Fairbanks/Pickford, Rudolph Valentino, Charlie Chaplin et bien d’autres. Après avoir été assistant de King Vidor et de Josef Von Sternberg (« Exquisite Sinner » en 1926), il décide de passer à la réalisation. Très impliqué dans le projet d’adaptation de « Frankenstein », le roman de Mary Shelley, il doit laisser au dernier moment la place à James Whale. Dès lors, il fera l’essentiel de sa carrière dans la série B sous l’égide de différents studios dont la Paramount, la Columbia et la Warner. Après une grosse cinquantaine de longs métrages, il se consacre à partir de 1951 à la réalisation d’épisodes de séries télévisées (on lui prête 300 réalisations). Une carrière plutôt atypique donc que celle de Robert Florey dont il ne subsiste dans les mémoires de quelques cinéphiles de plus en plus rares que « Double assassinat dans la rue Morgue » (1932), qui lui a été concédé ainsi qu’à Bela Lugosi par Universal Pictures après leur éviction de « Frankenstein », et « La bête à cinq doigts » avec Peter Lorre. S’ajoutent à ces deux films quelques livres, documents rares et précieux richement agrémentés de photographies introuvables que laisse aux passionnés ce français d’Hollywood. Mais si l’on creuse un peu comme l’a fait Patrick Brion pour son émission « Le cinéma de minuit », le « french director » aura sans doute donné son meilleur pour la Warner grâce à des moyens métrages où il aura pu exprimer aux côtés de prestigieux acteurs et actrices encore peu connus son sens du détail et sa capacité à tirer le meilleur d’études de caractères perspicaces, concises et particulièrement toniques. Ainsi « la dame en rouge » réalisé en 1935 par la Warner mettant en scène après Bette Davis dans « Ex-Lady » deux ans plus tôt, une autre très forte personnalité en la personne de Barbara Stanwyck alors sous contrat avec la Columbia à l’initiative de Frank Capra qui avait été subjugué par la vision d’un bout d’essai. En ce début des années 1930, avec Joan Crawford, Jean Harlow et quelques autres, Bette Davis et Barbara Stanwyck sont devenues les reines du « pré-Code », n’hésitant pas à dévoiler leur charme tout en affirmant à l’écran les fortes personnalités qui étaient les leurs. Basé sur un roman de Wallace Irvin (Nort Shore), « La dame en rouge » s’appuie sur un quatuor amoureux qui va passer les 68 minutes de ce moyen métrage à batailler. Shelby Barrett (Barbara Stanwyck) est écuyère professionnelle, salariée par Nicko (Geneviève Tobin) riche héritière amoureuse de John Wyatt (Gene Raymond), un jouer de polo issu d’une grande famille sur le déclin. John tombe amoureux de Shelby elle-même courtisée par Eugene Fairchlid (John Eldredge) un riche homme d’affaires. Nicko sentant le danger licencie son écuyère qui décide alors de monter sa propre écurie. Cette intrigue plutôt classique de la comédie ou du drame amoureux à l’écran s’avère tout-à-fait efficace grâce à une Barbara Stanwyck déjà en route vers la gloire depuis qu’elle a été découverte par Frank Capra avec lequel elle a tourné à quatre reprises. A seulement 28 ans, son jeu est déjà complètement abouti, mélange subtil d’autorité naturelle, de pugnacité auquel s’ajoute la profonde sincérité qui se dégage d’un regard qui ne baisse que rarement la garde. S’y ajoute une sensualité débordante et parfaitement sous contrôle qui sera exploitée au mieux par la suite notamment dans « Double Indemnity » le chef d’œuvre de Billy Wilder qui en 1944 fera à jamais de Barbara Stanwyck une icône sexuelle. « La dame en rouge » où elle mène la danse malgré la présence à ses côtés de partenaires tout-à-fait crédibles, montre que Billy Wilder n’a eu qu’à lever le bras pour cueillir un fruit déjà mûr.