Un très grand millésime de J. P. Mocky, beaucoup trop méconnu. On est en 1963, Godard et Truffaut dynamitent le cinéma avec la mise en avant de la jeunesse et avec un style unique créatif, la « nouvelle vague ». Mocky lui, filme de manière classique, il sera un ami loyal toute sa vie de Godard, mais pas estampillé « nouvelle vague », chez lui peu d’effet de style, pas de vision révolutionnaire, « artistique » du cinéma, mais par contre sur le fond, il est tout à fait novateur. Ce film est probablement le plus « féministe » de ces années 60’s . Le thème en est l’étape de la perte de virginité, réalisant plusieurs portraits de jeune fille au moment de cette cruciale étape, à une époque où cela avait un sens, et les barrières de la société étaient énormes. Il n’y avait pas la pilule et pour les filles pas question de traîner dans les bars toutes seules. Mocky le sait parfaitement et veut dynamiter cette bien pensance, ce carcan, tout le système, il prend parti pour la liberté, contre la stupidité des mœurs bourgeoises, et même pour une forme de libertinage. L’enchaînement des 4 scénettes est très bien construit, avec à chaque fois un lien conducteur. Des jeunes filles affranchies qui ne veulent plus subir : la toute première qui perd vite fait sa virginité presque en cachette , pour s’en débarrasser, magnifique scène surréaliste à la fête foraine , « énorme » allégorie dans le train fantôme , entouré de diablotins « vivants » dans le tunnel, objet de tous les fantasmes au sens propre et figuré, et lieu de la défloraison libératrice. Un vrai « must », une scène d’anthologie et la sublime Stephania Sandrelli, encore toute jeunette pour jouer l’affranchie. Il y a aussi le jeune premier, dragueur, Patrice Laffont , qui veut décoincer les vierges, mais qui n’y arrive pas souvent , excellent acteur et l’on regrette qu’il n’ait pas réussi une carrière dans le cinéma, pour finir au « Chiffre et les lettres », Il avait un vrai talent . Il y a ensuite la vierge manipulatrice qui monnaye son hymen à un banquier corrompu (formidable Jean Poiret), qui sera l’arroseur arrosé, croyant séduire, prendre une virginité, mais donnera sa parole trop vite, et la donzelle donnera son pucelage à un artiste peintre qu’elle aime. Les jeunes filles sont vierges, mais déjà très fortes, elles manipulent ou ridiculisent les hommes, tel dans le dernier sketch où l’excellent Charles Aznavour, alors au summum de sa carrière d’acteur, sera aussi manipulé par une vraie fausse vierge. Pas de temps mort pour ce scénario magnifiquement écrit qui s’inspira à l’époque de témoignages anonymes recueillit au préalable par la prod de Mocky pour établir un scénario sur des cas concrets et réels.. Scène culte encore de la famille de banquiers privés, où toute la famille dirigée par le patriarche Francis Blanche (formidable) zozotte comme des attardés, hilarant. Un film jubilatoire, des gags désopilants, comme celui d’un voyeur caché sous une voiture ( énorme) ,au rythme endiablé qui aborde des thèmes tellement actuels, si on remplace la virginité (qui n'est maintenant plus un enjeu, ni même un sujet, heureusement ) par le « consentement », par l’emprise , par le sentiment amoureux et la sensualité à vivre ,alors on est en plein dans l’actualité de 2024. Un film qui avait fait à l'époque : 1,7 m d'entrées sur France et Italie.