Pour son premier film aux Etats-Unis, Fritz Lang s'attaque avec audace aux disfonctionnement de ce pays. On peut dire que Furie est un film en deux partie, c'est assez visible. Dans la première, nous voyons donc ces disfonctionnements de l'Etat, incapable d'arrêter la folie de ses citoyens. Je ne sais pas si Lang était adepte des théories de Hobbes, mais ça y ressemble. Pour Hobbes, c'est bien connu, l'homme à l'état de nature est un "loup pour l'homme". C'est-à-dire qu'il cherche à imposer sa volonté, à asservir les autres. La vie en communauté, à l'état de nature, est donc une guerre permanente et sanglante. Mais, les hommes ont passé un contrat, l'Etat, censé contrôler toutes ces pulsions agressives et mettre tous les hommes à égalités, c'est-à-dire en dessous de la loi. Ce que Lang montre dans Furie, du moins dans la première partie, c'est que l'Etat est bien incapable de contrôler la frénésie des citoyens (scène oppressante et folle du lynchage). Lang se base sur une réalité, puisqu'à l'époque avaient lieu aux Etats-unis un lynchage tous les trois jours ! La deuxième partie, en continuité avec la première, nous présente une réflexion sur la rigueur de la justice. Faut-il condamner un crime s'il est regretté, commis dans un moment de plus pure irrationnalité ? Surtout, si ces habitants ont lynchés le héros innocent, n'était-ce pas parce que le pouvoir, ici la démocratie américaine, ne fait pas son devoir de garde-fou ? C'est donc à une brillante réflexion que nous invite Lang dans Furie ; une réflexion profonde et audacieuse, sans réponse manichéenne (car si le héros décide de revenir, prouvant ainsi sa "non-mort" et innocentant alors les villageois, c'est aussi pour pouvoir retrouver sa petite amie), autour de thèmes maintes fois abordés dans la première moitié de sa carrière, de M le Maudit jusqu'à J'ai le droit de vivre. Encore une fois, la mise en scène est peaufinée jusque dans les moindres détails, résolumment moderne, vive et percutante.