Cette adaptation du livre éponyme de Stéphane Larue commence par un magnifique plan en travelling vu du plafond qui scanne la cuisine d’un restaurant chic montréalais. Une séquence qui nous met dans le bain (marie) et augure du succulent cinématographique. Et, en effet, durant plus de deux heures, « Le Plongeur » va nous faire passer un superbe moment aux côtés de Stéphane, un adolescent dont la venue à Montréal va être marquée par son passage en cuisine en tant que plongeur et les rencontres humaines qu’il va y faire, son addiction aux machines de jeux et les problèmes d’argent qui vont avec et le poussent à prendre ce petit boulot et négliger ses études. Une chronique adolescente (mâtinée de coming-age movie), urbaine et un peu vintage (on met du temps à le saisir mais le film se déroule à l’aube des années 2000) mais surtout vraiment charmante. Une œuvre sincère et généreuse qui nous emporte en convoquant tous les genres, de la comédie au drame en passant par le polar, sans en louper aucun. On rit avec Stéphane, on est ému mais on prend aussi peur pour lui, bref on s’attache à ce jeune garçon. Le processus d’identification est total et le film développe un envoutement certain assez inexplicable.
Il faut dire que les films prenant pour sujet ou contexte la restauration frôlent l’excellence depuis un an : entre le magistral et tétanisant « The Chef » tourné en plan-séquence dans les coulisses d’un restaurant londonien en temps réel et le complètement déjanté, en plus d’être chic et jubilatoire « The Menu » en forme de suspense abhorrant la cuisine pour les nantis, on n’aurait jamais cru que des cuisines seraient aussi promptes à flatter la pellicule. « Le Plongeur » ne déroge pas à la règle et s’il ne calait pas sur sa dernière demi-heure, entre longueurs et fin qui n’en finit pas de finir, il toucherait lui aussi à l’excellence. Et, contrairement à l’an passé, plutôt timide en œuvres mémorables, cette nouvelle production de la Belle Province montre des signes d’une année qui commence bien pour le cinéma québécois après le très bon « Respire » et le sympathique « Rodéo ».
On remarquera ici beaucoup la très belle mise en scène, moderne, énergique et bourré d’idées de Francis Leclerc qui s’adapte encore une fois à son sujet et montre sa versatilité après le conte pour enfants « L’Arracheuse de temps », aux qualités visuelles tout aussi prononcées. Sans être ostentatoires ou prétentieux, ses plans sont racés et vraiment de bon goût tout comme sa manière de prendre le pouls d’une époque et d’une ville. Montréal et le quartier du Plateau avaient rarement été aussi bien rendus et filmés. Les aventures de Stéphane nous prennent aux tripes et c’est aussi grâce à la révélation d’Henri Picard, déjà vu entre autres dans l’excellent « Mafia Inc. ». Sorte de Timothée Chalamet québécois, son charisme, la justesse de son jeu et sa fragilité mêlé à de la détermination en font le joker indéniable de ce beau film qu’est « Le Plongeur ». Il irradie l’écran et incarne Stéphane à la perfection. Aussi bien réussie dans les scènes de machines à sous que dans les scènes intimes, c’est pourtant dans les séquences en cuisine que le film déploie toute sa force : elles sont d’un réalisme et d’une puissance indéniable et sont le cœur battant d’un film terriblement attachant qui n’a comme tort que de n’avoir pas su couper un bon quart d’heure pour toucher à l’excellence.
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