Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Reine mère" et de son tournage !

Une enfance revisitée et réinventée

Manèle Labidi s’est inspirée de son propre passé pour écrire Reine mère, tout en dépassant la simple autobiographie : "Ce n'est pas un simple miroir de mon enfance, mais sa réinvention poétique. J'aime utiliser l'expression biomythographie inventée par Audre Lorde". Côté références, la réalisatrice cite La Rose pourpre du Caire de Woody Allen et Looking for Eric de Ken Loach, pour leur manière de mêler imaginaire et réalité.

Charles Martel, de l’ennemi à l’ami imaginaire

Charles Martel joue un rôle clé dans le film. À partir de souvenirs d'enfance liés à une leçon d'histoire sur la bataille de Poitiers, Manèle Labidi a cherché à explorer le mythe qui entoure cette figure historique : "Charles Martel arrêta les Arabes en 732 à Poitiers. Pourquoi cette bribe de cours d'histoire de CM1 reste-t-elle un souvenir aussi vivace chez moi et chez tant d'autres qui, à l'époque, s'étaient sentis « visés » par cette date apparemment charnière de l'histoire de France ?"

"Je me souviens d'un sentiment de malaise, et même de culpabilité ! Pendant l'écriture du scénario, j'ai contacté William Blanc, un historien, spécialiste de la figure de Charles Martel, et lors de nos discussions, j'ai découvert que l'histoire était beaucoup plus complexe et que nous avions affaire avant tout à un mythe. Je me suis donc retrouvée avec deux personnages dont l'identité est emprisonnée par un récit. De là est venue l'idée de le faire passer de l'ennemi à l'ami imaginaire."

Un parti pris visuel audacieux

Manele Labidi a opté pour des optiques anamorphiques et une utilisation volontaire de couleurs saturées. Ces choix visent à déformer légèrement la réalité, accentuant l'aspect fantaisiste du récit. Une scène en noir et blanc et des ruptures de ton complètent cet univers visuel original.

Le choix du casting

Camélia Jordana a conquis la réalisatrice par son charisme. Sofiane Zermani, choisi quant à lui pour le rôle d’Amor, offre une masculinité sensible à l’opposé des clichés : "Dans ce film, j'ai voulu créer un couple de cinéma dont on se souviendrait et qu'on n'avait encore jamais vu incarné par des personnages français d'origine arabe."

"Damien Bonnard s'est aussi imposé très rapidement. Je sentais chez lui un potentiel de comédie, une comédie subtile qui s'impose sans forcer. Je cherchais aussi pour le personnage de Martel un acteur doté à la fois d'une rudesse et d'une âme d'enfant. Damien allie les deux avec une poésie qui lui est propre", raconte Manele Labidi.

Dialogue entre passé et présent

Bien que l'histoire de Reine mère se déroule en 1991, l'intention pour Manele Labidi était de créer un écho avec le présent. Les thématiques abordées dans le film – racisme, discriminations, déracinement – sont par ailleurs traitées avec humour, pour permettre une distance critique et libératrice.

Un miroir avec Un divan à Tunis

Selon la réalisatrice Manele Labidi, ce film dialogue avec son précédent : "Dans Un divan à Tunis, la France est placée hors champ. Dans Reine mère, une famille tente de trouver sa place dans une France qui occupe le premier plan". Elle a même imaginé un lien entre Amel et Selma, l’héroïne de Un divan à Tunis : "Parfois je me demande si Amel n’est pas la mère de Selma."

Un film "mal élevé"

Manèle Labidi souhaitait un film qui casse les codes, assumant ses excès et ses ruptures de ton. Ce parti pris reflète l'irrévérence des personnages, tout en offrant une réflexion sur les années 90 et leurs résonances contemporaines, évitant une reconstitution nostalgique.

Note d'intention de l'historien William Blanc

Manèle Labidi a contacté l'historien William Blanc (co-auteur du livre Charles Martel et la bataille de Poitiers. De l’histoire au mythe identitaire) pour apporter son point de vue sur le scénario de Reine mère : "On le comprend vite, sa volonté n’est pas de mettre en scène le vrai maire du palais franc du VIIIe siècle. Il s’agit ici au contraire de dépeindre l’image fantasmée que la société française du XIXe siècle puis de la seconde moitié du XXe siècle a produit de lui, image bien éloignée de la réalité historique, et l’effet que produit cette vision influencée par le roman national sur une jeune enfant d’origine maghrébine. L’idée de mettre en scène une apparition de Charles Martel sous la forme d’un compagnon imaginaire parfois bien encombrant, m’a aussi particulièrement intéressé."

"Est-ce un spectre qui hante l’Hexagone, comme le reflet d’un passé et d’un présent dérangeant ? Ou bien symbolise-t-il un apaisement possible et une meilleure connaissance de l’autre ? Les scènes entre Damien Bonnard (Charles Martel) et Rim Monfort (Mouna) apportent, à mon sens, un début de réponse. Elles posent en tout cas une question qui intéresse depuis longtemps les historiennes et les historiens : peut-on réconcilier Histoire et mémoires, approche rationnelle et scientifique du passé et perceptions intimes et subjectives ? Peut-on vivre avec un passé qui dérange, qui parfois fait peur, et apaiser les douleurs et les peines qu’il engendre, et derrière cela, peut-on tout simplement vivre ensemble ? Au public de « Reine Mère » d’en juger", se rappelle William Blanc.

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