Trois amies
La valse des sentiments
Emmanuel Mouret est le grand maître es marivaudage « franco-allénien », si je puis me permettre ce néologisme un tantinet hardi. Ce ne sont pas ces 117 minutes de comédie dramatique qui vont me démentir. Joan n'est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune... Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées. Le cinéaste et Carmen Leroi, sa coscénariste se sont inspirés du Alice de Woody Allen, nous dit-on. Quand je vous le disais… Un pur régal !
Tout est réuni ici pour nous procurer le plaisir le plus raffiné du spectateur… et de la spectatrice. Mouret aime les femmes et leur rend un hommage passionné et passionnant tout au long de cette sorte de mini-série en un seul épisode. On va de rebondissement sentimental à un autre sans temps mort, sans ennui, sans effet répétitif. Mouret est un génie du film choral où les histoires s’entremêlent avec une ingéniosité virtuose. Comme d’habitude la bande-son est subtile avec Bach, Poulenc, Beethoven, Mozart, et une jolie musique originale de Benjamin Estrado. Après Mademoiselle de Jonquières, Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait et Chronique d’une liaison passagère, poursuit son parcours sans faute dans sa valse des sentiments qui se teinte par instant d’une gravité qu’on ne lui connaissait pas.
Et puis quel casting ! De toute évidence, les grands noms du cinéma français adorent tourner sous la direction de ce cinéaste. La preuve cette fois avec Camille Cottin, Sara Forestier, India Hair, - qui crève l’écran -, Vincent Macaigne, Damien Bonnard, Grégoire Ludig, Eric Caravaca, Mathieu Métral, Hugues Pérot, qui, visiblement se régalent à défendre les personnages et des dialogues ciselés comme rarement. Certains prétendront que c’est du cinéma suranné… et alors ! Passer près de deux heures dans ce bain de talent à tous les niveaux est un cadeau dont on serait bien sot de se priver.