"Jeu de main, jeu de vilain !"
À la question phare de toute bonne séance de spiritisme qui se respecte, à savoir : "Esprit, es-tu là ?", le film australien "Talk to me" ("La Main" chez nous), des frères Philippou, y répond d’une façon plutôt intéressante en prenant le contre-pied de l'univers ultra-codé du film d'horreur et en y couplant un sous-texte sociétal dénonciateur. D'une patine classique dans la forme, les frangins cinéastes nous ont concocté une autre proposition de cinéma bien plus adulte dans le fond, en grande partie grâce à l’aura torturée de l’actrice principale (Sophie Wilde). Après l'inquiétant prologue, le long-métrage va prendre le temps (parfois un peu trop), pour installer son récit horrifique par le biais des réseaux sociaux, au travers de leur plus fidèle disciple qu’est la génération Z. Ici, la jeunesse d'Adélaïde, la capitale de l'Australie Méridionale, se fait l'écho d'un jeu sordide mettant en scène des cas de possessions. Est-ce la réalité ou simplement des Fakes ? Qu’importe, car les ados en raffolent ! Deux époques, deux sortes de punitions. Lorsque dans les années 80, des animateurs de colos libidineux mourraient par là où ils avaient pêchés (cf "Venderdi 13"), dans "Talk to me", quelque 40 années plus tard, la drague et le sexe du samedi soir n’étant plus les seules occupations, celles-ci sont remplacées par des cessions Stories, Snaptchats et autres vidéos TikTok. Toute cette virtualité laisse place à des moments malsains dont “Talk to Me” s’en fait le témoin, au moment où Mia (Sophie Wilde), une jeune femme perturbée par le deuxième anniversaire de la mort de sa mère, se porte volontaire pour serrer entre ses doigts, une main en plâtre ayant appartenu - selon une légende urbaine - à une sorte de voyant. Filmé bien évidemment, par une horde de voyeurs, car aujourd’hui toute trace vidéo est essentielle, le deal est le suivant : une fois la main serrée, le volontaire doit prononcer trois mots : “Talk to me” pour se trouver dans un état de transe. Après quelques secondes d’asphyxie - sans que personne ne vienne lui porter secours bien trop concentré à immortaliser l’instant - le volontaire doit entrer lui-même dans le monde des esprits avec la phrase suivante : “Laisse-moi entrer !”...
Et en quelques instants, le mal va effectivement ouvrir ses portes par l’intermédiaire d’un challenge absurde (un de plus), qui transformera la vie d’une poignée d'adolescents en un cauchemar sans fin…
Bien plus malin que la plupart des productions horrifiques lambdas, “Talk to me” s’octroie quelques purs moments de tension sans pour autant aller au bout de son récit. “Talk to me” démontre que la réflexion et le libre-arbitre s’effacent devant une curiosité malsaine, voire morbide instiguée par le côté viral d’Internet. Ainsi, le long-métrage des frères Philippou colle parfaitement à son époque…