Cessez les séances de spiritisme lambdas, rangez vos vieilles planches Ouija, voici "La Main", un nouveau moyen de communiquer avec les morts qui fait fureur chez les jeunes Australiens ! Évidemment, à force de trop vouloir jouer avec les esprits via ce mystérieux artefact en forme de main humaine, Mia et sa bande d'amis vont déclencher de sinistres évènements...
On ne saurait dire si c'est l'oeuvre des réalisateurs (les frères Danny et Michael Philippou, à l'origine d'une célèbre chaîne de vidéos horrifiques sur YouTube) ou l'approche plus viscérale qui domine le cinéma de genre australien en général mais, au-delà des premiers instants d'horreur particulièrement réussis de leur premier long-métrage (leur premier, punaise, c'est fou !!), "La Main" paraît d'emblée s'inscrire dans une réalité bien plus prononcée et donc palpable que la plupart des films mainstream -disons majoritairement américains- de la catégorie.
Quelque chose sonne en effet irrémédiablement juste, réaliste, même cru, dans l'environnement et l'intimité de ces jeunes ayant grandi en compagnie de la modernité des réseaux sociaux, où la possibilité de réellement parler avec des morts s'assimile pour eux à une espèce de bête challenge Tik-Tok ou bien à l'équivalent d'un nouveau paradis artificiel comme un autre pour s'évader d'un terne quotidien.
Bref, on y croit, sans que "La Main" n'est à forcer la main sur des artifices grossiers propres à ce type de film ou à appuyer sur les traits de personnages trop souvent réduits à une facette unidimensionnelle, tout se fait ici avec naturel pour nous immerger de façon crédible dans la vie (et les soucis existentiels rationnels) de Mia et ses amis.
Et puis, bien sûr, outre un prologue glaçant, il y a au cœur de tout ça ces expériences avec la fameuse main au cours desquelles, cette fois, il est clair que c'est le talent de ses metteurs en scène qui prévaut pour faire surgir et grandir sans cesse l'effroi de ces conversations next gen avec les morts au milieu de la décontraction ambiante jusqu'à l'inévitable tragédie.
En trouvant de savoureux points de bascule entre les points de vue de celui qui vit l'expérience et celui qui y assiste pour toujours plus de nouvelles perspectives (et même bien plus par la suite, il y a une perpétuelle et brillante évolution à ce niveau), en faisant grandir le malaise derrière l'insouciance bon enfant des protagonistes face à des dangers où l'Homme ne devrait pas s'aventurer et, enfin, en réussissant à rendre chaque manifestation surnaturelle plus scotchante, souvent violente et surtout plus inattendue les unes que les autres, la première demi-heure de "La Main" se place facilement dans les sommets de flippe cinématographique de cette année.
Ensuite, lorsqu'il est temps de laisser déborder les spectres au-delà des simples poignées de main pour suivre plus précisément leur influence sur le destin de Mia et un drame qui lui est consécutif, "La Main" va agiter ses doigts sur la base d'une partition d'épouvante plus classique, qui convoque des thématiques l'amenant sur un terrain un peu plus connu d'un public expérimenté en ce domaine, où la question irrésolue d'un deuil tortueux va intrinsèquement se mêler à la façon de trouver une solution au mal qui s'est immiscé...
Alors, attention, l'ensemble est toujours efficacement mené, porté par ses personnages plus humainement attachants que la moyenne et ponctué de séquences marquantes grâce à une réalisation rarement prise en défaut (les apparitions continuent à faire diablement bien leurs effets et, comme on l'a dit, on reste impressionné par les nouveaux angles trouvés pour élargir le champ des conversations avec l'au-delà, le final est remarquable en ce sens) mais, sur le fond, "La Main" ne pourra plus vraiment créer la même surprise sur la direction prise et la symbolique assez criante de son intrigue qu'à ses débuts.
Certes, en tant qu'aficionado du genre, on est peut-être un poil tatillon car autant de qualités délivrées à l'écran reste tout de même actuellement une denrée rare pour une telle proposition et on ne boudera pas notre plaisir pris devant cette "Main" baladeuse entre vivants et morts (on le criera même), mais on ne peut pas s'empêcher se dire que, malgré toutes nos baisemains à son égard, elle reste à deux doigts d'atteindre le statut d'un must en sa catégorie passé son génial premier acte. On est passé très près d'une "Main" de maître.