Film ô combien maudit, La Forteresse Noire est un de ces nombreux longs-métrages inachevés, malmenés dès leur production et au final reniés par leurs auteurs. Adapté du roman "Le Donjon" de Francis Paul Wilson, le film perd en cours de route le superviseur des effets visuels (handicapant grandement cette œuvre bourrée d'effets en tout genre) tandis que son réalisateur, Michael Mann, se heurte aux producteurs qui amputent son film de moitié. Le film devait durer plus de trois heures, il ne durera qu'une petite heure et demie histoire de satisfaire au mieux des spectateurs incrédules. Alors, que reste-il au final de cette œuvre fantastique désavouée par son propre auteur ? Un film hybride qui laisse un amer goût d'inachevé flagrant. Les coupes opérées par les producteurs sont visibles, créant un rythme irritant, empêchant le spectateur de s'attacher à quelconque personnage, précipitant soudainement une intrigue intéressante qui se retrouve en milieu de parcours comme montée à la va-vite. On ne sait pas grand chose au final de ce Molasar, cet être divin prêt à éradiquer l'espèce humaine, ni sur ses pouvoirs variés. Quiconque a lu le livre de Wilson sera bien entendu frustré de ne pas y voir tous ces détails qui étoffaient l'histoire, qui y apportaient une réelle mythologie et qui s'intéressaient particulièrement aux relations entre les personnages, nazis ou gentils. Pour ne citer qu'un exemple, la relation entre Eva (Alberta Watson, une erreur de casting) et le héros Glenn (Scott Glenn, ennuyé de participer à un tel projet) est ici comme balancée en pâture. Les effets spéciaux sont inégaux, on comprendra pourquoi, mais n'empêchent pas le film d'exister. Les décors majestueux, l'atmosphère lugubre et les multiples artifices créant cette constante ambiance de mort restent les seuls points positifs du film. On ne pourra pas faire autant d'éloges concernant la musique électronique inappropriée de Tangerine Dream ni l'interprétation ringarde d'acteurs pourtant talentueux comme Ian McKellen, cabotinant comme jamais, Scott Glenn, Jürgen Prochnow et même Gabriel Byrne. Une direction d'acteurs inexistante entremêlée de dialogues pas très finauds et d'une mise en scène parfois ratée en dépit de quelques passages réussis. Mais comment juger un film inabouti, charcuté au montage et privé de sa propre identité ? En espérant voir un jour une version director's cut.