Fremont, film attachant du réalisateur anglo-iranien Babak Jalali, qui avait mieux réussi Land, souffre de ses références trop appuyées et souvent notées, de JIm Jarmush (le noir et blanc stylé, l'ironie pince-sans-rire décalée...) et Aki Kaurismäki (les plans fixes burlesques). Il vaut surtout par sa galerie de portraits : le patron volubile, le psy spécialiste de croc-blanc, le vieux restaurateur fan de télénovelas afghanes, le mécanicien romantique... Le contexte aussi est habilement exposé sans être surligné : les exilés afghans arrivent en Californie avec d'immenses béances, des fêlures qui s'élargissent, des blessures qui ne guérissent pas (le voisin de l'héroïne, accroc à la cigarette, le couple qui a beau fuir les Talibans n'en a pas moins importé le patriarcat...). Donya, célibataire, fermée, insomniaque, sombre dans une vie routinière, dont elle veut peu à peu s'extirper pour trouver l'amour (hilarant quiproquo sur un sms...). L'idée géniale reste de la faire travailler dans une usine qui fabrique des fortunes cookies, avec leurs phrases toutes faites, qui selon les situations peuvent prêter à sourire, rire ou pleurer. Le ton du film ne quitte jamais l'ironie douce - pas de montée de larmes ici. Les scènes sont brèves, les dialogues rares et lents, rien ne dépare ni ne dérape. L'interprète principale, Anaita Wali Zada, est une belle découverte, mais tous les comédiens sont excellents et à l'unisson, comme une équipe. Dommage que le film ne veuille jamais renoncer aux codes du cinéma américain indépendant, léché, visant une perfection formelle et une unité d'interprétation qui confinent à l'uniformité.