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Yves G.
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3,0
Publiée le 27 janvier 2023
Un couple de Russes blancs, installés en banlieue parisienne, a été accusé d’espionnage et brutalement expulsée de France, avec leurs deux filles, en juin 1948. Ils sont revenus en Union soviétique. Leur aînée a épousé le correspondant de "L’Humanité" à Moscou. Le couple a eu deux fils, Pierre en 1959 et Vladimir dix ans plus tard, qui grandiront en Russie jusqu’à leur retour en France en 1975. À la mort de leur mère, ces deux frères vont en Russie enquêter sur le passé mystérieux de leurs grands-parents : étaient-ils des espions soviétiques ?
"Mes chers espions" est une passionnante enquête historique, dans la veine des romans autobiographiques d’Emmanuel Carrère (on pense en particulier à "Un roman russe" sur son grand-père maternel, d’origine géorgienne, émigré en France dans les années 20) ou au best-seller d’Anne Berest "La Carte postale". Il met en scène deux frères, à l’élégante silhouette aristocratique et à l’évidente complicité sur les traces de leur passé familial. Leurs démarches auprès des services secrets russes comme français s’étant heurtées à un mur de silence – « ces administrations ne sont pas de grandes communicantes » reconnaît bien volontiers Vladimir Léon lors du débat qui a suivi la projection du film – ils prennent un aller-simple pour Kirs, un bled perdu dans l’Oural à mille kilomètres à l’est de Moscou, où leurs grands-parents ont été relégués en 1948 avant d’être autorisés à revenir à Moscou.
Leur documentaire s’inscrit au point de rencontre entre la grande et la petite histoire. La grande, c’est celle de l’URSS, de ces Russes blancs, écartelés entre la détestation du communisme et la nostalgie de leur patrie perdue, de la Guerre d’Espagne, de la Seconde Guerre mondiale, de l’espionnage et du contre-espionnage… La petite, c’est celle de la famille Leon, de cette grand-mère fantasque, de cette mère qui nourrit sa vie durant un amour passionné pour la France et de ces deux frères qui ont grandi en Russie et parlaient à peine le français à leur arrivée à Paris.
Lily et Konstantin ont-ils été des espions soviétiques ? La question restera sans réponse. Et cette conclusion n’est en rien frustrante. Car on aura appris sur eux et sur leur époque beaucoup de choses au cours de cette quête. Une quête dont l’objet, on l’aura compris, était pour ces deux frères attachants, autant de résoudre le mystère qui nimbe la vie de leurs grands-parents que de faire le deuil de leur mère.