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TTNOUGAT
593 abonnés
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5,0
Publiée le 6 janvier 2019
Ce film est un chef d’œuvre des années 30 et même un chef d’œuvre tout court pour les purs cinéphiles qui préfèrent les images aux dialogues et qui apprécient le cinéma du passé, celui des arrières- arrières grands parents des adolescents d’aujourd’hui. D’un sujet presque inabordable Gréville a réussi un film rare d’une grande originalité grâce à une mise en scène à la fois rigoureuse et inventive. La tenue des consciences va de pair avec l’élégance des costumes et rarement une déclaration d’amour entre époux aura été aussi belle et convaincante. Le coté ‘’tragédie’’ du film s’accorde parfaitement avec la scène finale scène, ô combien profonde, qui pourrait sembler une carte postale pour ceux qui n’auraient pas vu et compris le film. Saluons au passage l’admirable actrice Jeanne Boitel qui fut une authentique héroïne de la résistance durant l’occupation de Paris
La force de Remous tient d’une part à la mise en scène d’Edmond T. Gréville, maniériste et précise en ce qu’elle traduit par l’image l’évolution de la relation entre les personnages, d’autre part à la thématique de l’impuissance doublée de celle de l’infidélité comme moyen d’échapper à l’infirmité du mari et de s’épanouir en tant que femme désirante, thématique adaptée du roman A Kiss in the Dark de Peggy Thompson. Les séquences d’intérieur fonctionnent en huis clos au sein duquel l’amour et la fidélité se délitent à mesure que la femme prend conscience de sa frustration sexuelle, les séquences d’extérieur se composent d’une somme d’indicateurs de la faiblesse masculine qui motiveront l’adultère. Le cinéaste multiplie les symboles, comme par exemple la béquille que perd Henry alors qu’il déambule sur le pont qu’il a construit, signe de son incapacité à recouvrer sa vigueur et sa majesté. Pourtant, l’ancrage psychanalytique du long métrage est ce qui cause également sa lourdeur principale : les personnages sont des types qu’il s’agit de disséquer, et non de véritables personnes pourvues d’une complexité intérieure. Nous avons l’impression que Gréville sur-appuie tout ce qu’il veut représenter, ce qui confère à l’ensemble un rythme soutenu – voir à ce titre l’ouverture et l’accident, expédié en quelques minutes à peine – mais écrase aussi toute spontanéité. La volatilité du cœur humain, l’ardeur des passions, tout cela est rendu théorique. N’en reste pas moins une œuvre audacieuse et intrigante, à découvrir sans tarder.
Le cadrage étrange et glacial de la caméra sur les visages et les objets, l'audace-même du sujet, ne sont pas sans rapprocher le film de Gréville de ceux des surréalistes. La sexualité, la frustration sexuelle pour être précis, n'est pas un sujet très commun pour l'époque, et Gréville l'aborde avec une pertience qui dut paraitre particulièrement osée sinon scandaleuse aux contemporains. A la lune de miel heureuse d'un couple de jeunes mariés succède, tout de suite, un accident de voiture dramatique dont l'époux sortira handicapé et impuissant. Gréville s'attache moins à une étude psycholigique rigoureuse du couple qu'à évoquer l'absence de sexualité. Au point que le film prend l'apparence de l'histoire d'un adultère inéluctable. L'originalité et l'audace du film tiennent surtout dans la suggestion du désir physique de la jeune femme. Le film va aussi à l'encontre du romantisme traditionnel. A travers une symbolique parfois naïve, Gréville exprime les attitudes du couple. Les tourments de Jeanne sont signifiés par les remous plus ou moins agités de l'eau...De la même façon, elle se jette avidement dans l'eau d'un piscine alors que son mari, constructeur de barrages, s'attache, lui, à canaliser l'eau... Peu dialogué, le film a un réel intérêt stylistique, mais on peut regretter le peu de nuances dans la description du couple. Le dénouement spoiler: dramatique et quasi funèbre sera très (trop?) moral.