Le fait qu’au 17ème siècle, les animaux pouvaient être jugés pour avoir commis un crime, est une réalité historique que Fred Cavayé a arrangée pour la drôlerie du film... D'où la petite phrase affichée dans le générique du début : "d’après une histoire vraie... ou presque". Le cinéaste confie : "À une époque, on pouvait en France faire des procès aux animaux, tout ça dans un tribunal avec avocats, juges, jurés… Et s’ils étaient reconnus coupables, ils étaient condamnés aux mêmes sentences que les humains : Pendaison, écartèlement, empalement…"
"Cela a duré un siècle et demi, de 1610 à 1760 ! Ce qui est incroyable, c’est que les propriétaires des animaux étaient eux aussi jugés et risquaient tout autant la mort. On a vu des gens pendus aux côtés de leur animal !"
Pour la partie du procès, il était très difficile de trouver un endroit réel qui soit facilement "filmable" en terme de logistique. Fred Cavayé raconte : "Toutes ces scènes nous ont pris une vingtaine de jours avec parfois 200 personnes à l’écran, sans compter les techniciens sur le plateau. Nous avons tout créé en studio à Bry-sur-Marne pour le procès de province, avec tout ce qu’on imagine : une sorte de salle des fêtes qui (historiquement), devait aussi servir à la foire aux bestiaux et à la fête du village, avec de la paille, des tonneaux, etc."
"Pour le procès qui se déroule à Paris au début du film, nous sommes allés au tribunal de Melun car il a conservé un style compatible avec celui de notre histoire. Là, nous avons eu la chance de pouvoir tourner durant deux journées, ce qui est déjà un vrai luxe dans ce genre d’endroit où la justice est surchargée de travail..."
Avec Les Chèvres !, Fred Cavayé voulait prendre les travers de notre monde "moderne" et les ramener 400 ans en arrière : "Quand le procès débute et que l’on s’aperçoit que celui qui crie le plus fort est celui qui a raison, (même si c’est une caricature de la justice pour les besoins du rire), cela fait référence à ce que nous connaissons. Le trait a beau être grossi, il n’est pas sans rappeler ce que véhiculent les réseaux sociaux par exemple..."
Les scènes se déroulant en décors naturels ont été tournées en Dordogne et dans le Périgord. S'étant rendu au festival de Sarlat pour y présenter Adieu Monsieur Haffmann, Fred Cavayé avait une idée assez nette de ce qu'il recherchait : "Je me souvenais notamment de la superbe place de cette ville mais elle était en fait beaucoup trop grande donc nous avons élargi les recherches aux alentours. C’est finalement à Monpazier que nous l’avons trouvée avec aussi ce que j’appelle la magie du cinéma : de plusieurs lieux, vous n’en faîtes qu’un !"
"La bourgade du film est composée de scènes tournées à Monpazier mais également à Saint-Cirq-Lapopie, un endroit superbe, suspendu au-dessus du Lot. C’était important qu’il y ait cette rivière car elle raconte dans le film l’ancienne frontière avec la Savoie et les savoisiens, ennemis jurés des habitants de notre village... Nous avons enfin joué avec des effets 3D pour rajouter des montagnes par exemple..."
Avec Les Chèvres, Fred Cavayé retrouve Dany Boon huit ans après Radin !. Le metteur en scène se rappelle : "Je savais que je pouvais l’emmener dans un registre différent de celui que nous avions déjà abordé. Je voulais montrer une autre facette de son immense talent. J’aimerais d’ailleurs exploiter toutes les gammes de sa palette, même dans des registres pas forcément comiques, comme on a pu le voir dans Joyeux Noël ou récemment dans Une belle course."
"Pompignac est un rôle intéressant car c’est un avocat qui n’a jamais gagné le moindre procès ! Il arrive donc sur cette nouvelle affaire un peu tendue. Je voulais un personnage à la fois acide et lunaire : un peu comme si vous mettiez Louis de Funès et Bourvil dans un shaker ! Au-delà de ces références toujours un peu délicates, je savais que Dany Boon saurait créer quelque chose d’unique, à partir de tout son univers et de son parcours de comédien..."
C’est en écrivant le rôle de Valvert, un avocat star du barreau très vaniteux, que Fred Cavayé a pensé à Jérôme Commandeur. En développant les travers du personnage, le réalisateur a également enrichi le thème du rapport Paris/province : "Il porte des costumes extrêmement luxueux et variés, (l’inverse exact de Pompignac), et débarque dans ce petit village boueux, très éloigné de ses habitudes dans la capitale. J‘ai donc imaginé que tout au long du film, Jérôme ne poserait jamais les pieds au sol car il trouve que c’est trop sale !"
"Ce sont donc ses assistants qui le portent dès qu’il sort du tribunal... Ce genre d’idée me vient parce que Jérôme me les inspire : c’est en fait un échange de bons procédés, chacun enrichissant l’inspiration de l’autre."
Le personnage féminin principal est joué par Claire Chust. La comédienne incarne Camille, la propriétaire de la chèvre accusée du meurtre. Fred Cavayé confie : "Puisque le film traitait de la bêtise, je me suis dit que Camille serait le seul personnage vraiment intelligent, sensé et fort de cette histoire. C’est aussi une jeune femme moderne, presque anachronique pour l’époque, avec des préoccupations qui annoncent le siècle des Lumières. J’aime beaucoup cette réplique, quand Camille s’adresse au garçon qui la drague : « le prince charmant c’est fini, on n’est plus au Moyen-Âge » !"
"Pour incarner ce style de décalage, il me fallait une actrice capable de jouer une naïveté apparente mais qui s’avère être la plus intelligente du trio... Claire est épatante dans ce rôle, grâce évidemment à la mécanique comique imparable et rigoureuse de Scènes de ménage, mais je l’ai également trouvée formidable dans Problemos par exemple."
Maître Pompignac est un avocat assez pauvre, pour qui l’hygiène est une notion très floue. Son interprète Dany Boon a ainsi dû, avec l'aide des costumiers, faire en sorte que ce personnage apparaisse à l'écran comme étant sale. Il raconte : "Je suis ravi que nous y soyons allés à fond, c’était un de mes souhaits. J’ai en effet des dents assez pourries, le cheveu filasse et gras. Je me suis laissé faire car les équipes des costumes, de la coiffure et des maquillages avaient déjà fait un travail remarquable sur Pompignac, comme sur les autres personnages. La seule chose qui m’a dérangé c’est d’avoir en permanence les ongles sales, l’hypocondriaque qui est en moi déteste ça !"
"Or, à force de me salir les doigts pour de faux, je n’arrivais plus à tout nettoyer après le tournage. Cette crasse incrustée me rendait fou ! Tout cela représentait une préparation assez longue chaque jour et ce n’est rien à côté de celle de Jérôme qui personnifie la Renaissance à lui seul côté look… On dirait le showroom ambulant d’un drapier du marché Saint-Pierre !"