C’était la fin des années 1980, une période où l’action humanitaire était très médiatisée, où les chanteurs s’unissaient pour récolter des fonds, où les pays riches européens semblaient découvrir la misère dans laquelle ils avaient laissé les pays d’Afrique. Marco Ferreri y est allé de sa satire, politiquement incorrecte et globalement bien vue. En filmant les mésaventures d’un convoi absurde, il critique d’abord « l’humanitaire spectacle », puis les motivations des uns et des autres. Le personnage de Maruschka Detmers part en Afrique pour fuir ses problèmes et chercher un sens à sa vie. Celui de Michele Placido entreprend ce voyage par désœuvrement et ne pense qu’au sexe. Le réalisateur stigmatise aussi le désir de se donner bonne conscience, naïvement, loin des réalités du terrain. Par ailleurs, il brosse un tableau décadent de la situation africaine, en présentant des autorités locales qui savent « accueillir » à leur façon tous ces gens pleins de bonne volonté, des faux baroudeurs-vrais profiteurs (Stévenin), des missionnaires sans illusion (Piccoli)… Une Afrique exploitée, où l’on vient chercher des top models (Katoucha) ou des ouvriers (Descas), que l’on renvoie ensuite. Le film rend ainsi compte d’un grand cirque d’hypocrisie et de cynisme, pendant que les enfants continuent à crever de faim… Le ton de la satire est bien particulier : on est moins dans la farce que dans le ridicule pathétique. Et à la question « comment nourrir les Africains ? », l’idée de départ n’est pas celle de la fin… On passe de la dérision à l’ironie la plus cinglante. Avec au final : un sentiment amer d’échec et d’incompréhension.
Quelques points faibles, toutefois, à noter : un scénario qui passe trop de temps sur les divagations sentimentales du personnage de Maruschka Detmers et un faux rythme, qui n’est ni celui de la comédie, ni celui de l’aventure. Un rythme qui a du sens, certes, dans la mesure où les personnages se perdent dans un monde qui leur échappe, mais qui crée parfois une lassitude.
Totalement à contre-courant de l’époque, Ya bon les Blancs fut un gros échec commercial à sa sortie.