Ce film est présenté en sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2024.
Julien Colonna a eu l’idée du Royaume six ans plus tôt, lorsque son épouse lui a annoncé être enceinte. Il s’est alors interrogé sur le père qu’il pourrait être et sur l’enfant qu’il avait été. Le réalisateur s’est souvenu d’un moment partagé avec son propre père, quand il avait dix ans et qu’ils étaient partis ensemble faire du camping au bord de la mer, sans personne autour. Un souvenir qui lui a donné l’idée de ce père et de sa fille en cavale, apprenant à se découvrir au milieu de ce paysage sauvage.
Julien Colonna a coécrit le scénario avec la réalisatrice Jeanne Herry, à qui l’on doit notamment Pupille (2018) et Je verrai toujours vos visages ( 2023).
Le Royaume a été conçu du point de vue de la jeune fille, Lesia comme l’explique Julien Colonna : "Le parti pris narratif d’être à hauteur d’enfant dans un monde d’adulte très opaque a toujours été une évidence. Avec le souhait de dépeindre une relation filiale qui tente d’exister, de survivre, dans un contexte où tout meurt."
Si le film se déroule en Corse et dépeint un voyou en cavale, Julien Colonna n’a pas souhaité y inclure des clichés, pour se concentrer davantage sur l’intrigue père-fille. D’ailleurs, il brouille volontairement les pistes sur les raisons de sa fuite, qui en font un anti-film de genre. Il raconte:
"Les voyous ne sont ni héroïsés, ni sacralisés, au contraire, ils sont montrés comme les pénitents de leur propre vie, des fantômes qui sont déjà morts mais ne le savent pas encore. Contrairement aux idées reçues, les restaurant chics sont rares, les belles voitures prohibées car trop voyantes, les jolies femmes souvent accablées par le poids de l’inquiétude."
Le Royaume mise davantage sur le langage du corps et des visages, plutôt que sur les dialogues, qui sont peu nombreux.
À l’image des personnages, Julien Colonna et son chef opérateur Antoine Cormier ont souhaité une mise en scène sobre, avec des longs plans contemplatifs, mais aussi des zooms lents et une "caméra épaule fragile".
La majorité des acteurs du Royaume sont des non-professionnels, auditionnés après un casting sauvage à travers la Corse qui a duré 8 mois. C’est le cas notamment de l’héroïne, incarnée par la jeune Ghjuvanna Benedetti, et de Saveriu Santucci, qui campe Pierre-Paul. Les deux acteurs ont ainsi travaillé pendant plusieurs mois après leur sélection dans de nombreux ateliers, entre Paris et la Corse.
Le Royaume convoque à la fois le territoire pour lequel les personnages se battent, mais évoque aussi ce concept où les pères sont regardés comme des rois. Enfin, Le Royaume rappelle aussi celui de l’imaginaire et des souvenirs. C’est pour toutes ces raisons que Julien Colonna a appelé son film ainsi.
Le Royaume a été tourné avec une caméra 35 mm, pour donner une texture "grain" à l'image, selon des propos d'Antoine Cormier, le chef opérateur à l'AFC Cinéma.
Pour la séquence de nuit dans le maquis avec les hommes en cavale, il fallait trouver une autre source de lumière que le feu, impensable pour des personnes qui ne veulent pas être repérées. Thibault Danjou, le chef électro, a alors eu l'idée d'utiliser des lampes de camping à gaz, utilisées lorsque les gens partaient faire du bivouac dans les années 1990.