Le creux de la vague
J’adore le cinéma de Stéphane Brizé. Soyons précis, j’aime surtout le Brizé de son triptyque social, La loi du marché, En guerre et Un autre monde, pour lequel il a été qualifié de Ken Loach français. Avec ces 106 minutes, on a l’impression de retrouver le cinéaste de 2009 dans la veine de Mademoiselle Chambon. Bien, mais on regrette le Brizé plus engagé. Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard. De la comédie dramatique solide, très bien écrite et très bien interprétée.
Comme dans tous ses films, ce cinéaste met en scène « la désillusion ». Tous ses personnages ont cru en quelque chose, ils avaient toutes et tous une certaine idée du monde et de l’Homme. Et puis, leur regard a été changé par la trahison ou l’abandon. Après ses trois films durs, âpres et politiquement engagés, Brizé avoue lui-même un besoin de questionner ce moment où j’étais épuisé par la colère sur laquelle s’étaient construits mes films. Alors, on comprend mieux le choix de d’un cadre paisible, sans tumulte. En vérité, cette thalasso hors saison, cette cité balnéaire endormie, sonne comme une parenthèse dans un cycle. Autre signe de ce moment d’apaisement, le réalisateur délaisse son habituelle caméra à l’épaule pour la poser sur un pied. Bref, un joli moment d’élégance de poésie et d’autodérision mêlées qui se laisse déguster comme une confiserie, c’est bon, mais ça passe vite sans laisser de souvenirs impérissables.
Le film repose évidemment sur le duo formé par Guillaume Canet et Alba Rohrwacher. Lui confirme que c’est un excellent acteur et elle, a cette présence lumineuse qui nous fait regretter qu’on ne la voit pas plus souvent dans d’aussi beau rôle. La romance est à la fois souriante et mélancolique, le drame est laissé en sourdine soutenu par la musique de Vincent Delherm – qui n’est évidemment pas une garantie de joie de vivre -. Ce film n’est pas seulement hors saison, mais aussi hors mode, mais c’est un moment de quiétude qui fait du bien.