Welcome in USA
Les espagnols Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas ont obtenu pour ce thriller de 77 minutes le Prix du public au festival du polar de Reims. Bravo à eux, c’est bien mérité. Projetant de démarrer une nouvelle vie aux États-Unis, Diego et Elena quittent Barcelone pour New-York. Mais à leur arrivée à l’aéroport, la Police des Frontières les interpelle pour les soumettre à un interrogatoire. D'abord anodines, les questions des agents se font de plus en plus intimidantes. Diego et Elena sont alors gagnés par le sentiment qu'un piège se referme sur eux...Un huis-clos terrifiant par son propos, admirable par son interprétation et l’économie de moyens de la réalisation.
Ce scénario implacable vous tient en haleine jusqu’à la dernière image. Vous quittez la salle ébranlé tout en vous demandant quelle sera la suite de la vie pour ce couple. Les deux réalisateurs se revendiquent volontiers du grand Sidney Lumet, une filiation tout à fait justifiée. Le cinéaste de 12 hommes en colère, Un après-midi de chien ou Network : Main basse sur la télévision, n’aurait pas renié ce petit film à suspense psychologique qui a tout d’un grand. Les 2 réalisateurs sont vénézuéliens et, à ce titre, en se rendant souvent aux USA, ont eu envie de raconter ce qui se passe derrière les portes closes de la douane et des services d’immigration. Ce drame politique nous parle des dynamiques de pouvoir, du harcèlement, des problèmes d’autorité, de racisme ordinaire, d’endroits où vous pouvez soudain vous sentir extrêmement vulnérable selon vos origines, la méfiance que nourrissent certains envers vous selon ces mêmes origines, car, ne perdons pas vue qu’on est forcément le fruit de nos influences, pour le pire comme pour le meilleur. Nous sommes assis avec le couple de héros, dans une pièce anonyme, sans mouvements inutiles des deux caméras, un éclairage pisseux, à suivre un interrogatoire qui frise le surréalisme… Et pourtant ! Oppressant, minimaliste et impressionnant.
Le casting ne comporte que 4 noms : Alberto Ammann et Bruna Cusí, qui passent par tout le spectre des sentiments, - surprise, peur, colère, doute… -, broyés sous le flot des questions posées par Ben Temple et Laura Gomes. Un film à vous rendre paranoïaque face à une telle démonstration d’intimidation psychologique. Voilà un huis-clos anxiogène dont on ne sort pas indemne avec des questions plein la tête. Une tragédie moderne qui respecte les trois unités chères au théâtre classique et dont la brièveté s’avère un véritable atout. J’ai adoré.