Les Choses simples est né de la combinaison de trois choses : la première est un dîner entre Eric Besnard et le producteur Vincent Roget (lequel avait, avec Pierre Forette et Thierry Wong, produit L’Esprit de famille du réalisateur). Au détour de la conversation, les deux hommes se sont mis à parler de John Ford et plus particulièrement de la période où il travaillait pour la Fox. Eric Besnard précise :
"De la profonde humanité des personnages incarnés par des acteurs comme Will Rogers... J’aime la simplicité apparente de ce cinéma et je m’en suis ouvert à Vincent qui est lui-même un grand amateur de Ford. Et l’un de nous a évoqué l’hypothèse d’un film construit sur une rencontre fortuite et anodine. Suite à une panne de voiture par exemple... Et puis la conversation a dérivé sur autre chose."
"Plusieurs mois plus tard éclate la crise du Covid. Le lendemain de l’annonce du confinement je sors dans la rue, quelqu’un marche vers moi, puis traverse, pour m’éviter. Il ne me connaît pas, mais il a peur ! Je suis remonté chez moi et j’ai appelé Pierre Forette, Vincent Roget et Thierry Wong, pour lesquels j’étais en train d’écrire un autre film, et je leur ai demandé de me laisser un mois pour leur proposer un sujet."
"Le temps venait d’être suspendu et je décidais de lutter contre l’état de défiance que je voyais s’installer en écrivant un script. L’idée était d’écrire un film « poignée de main », un film vantant les mérites de l’altérité et de la confiance en l’autre. Et je me suis souvenu de ces deux personnages qui m’attendaient en bord de route suite à une panne de voiture. Enfin la troisième raison : c’est Gregory Gadebois."
"Je sortais de Délicieux et je voulais le plus vite possible re-retravailler avec lui. J’avais l’idée de son personnage depuis un moment. Il ne me restait qu’à trouver l’autre. Et l’histoire..."
Eric Besnard a fait de Pierre Vernant, le personnage joué par Grégory Gadebois, un spécialiste de biologie marine. Le réalisateur explique pourquoi : "Il y a une forme d’humilité à travailler sur ce qui ne se voit pas. Cela lui correspond bien. Je voulais camper un possible prix Nobel caché derrière des manières de bûcheron. Je ne voulais pas de quelque chose de trop poétique du genre astro-physique ou de trop abstrait comme les mathématiques."
Eric Besnard retrouve Grégory Gadebois après son précédent film, Délicieux, dans lequel le comédien jouait un prodige de la cuisine au 18ème siècle.
Eric Besnard était parti avec l'idée de faire un film simple avec deux personnages. Au fil de l’écriture, le metteur en scène a voulu enrichir la trame narrative avec un enfant, puis un chien, un ours, un aigle, une tempête, un incendie, un bateau de course et des chutes d’arbre...
"On est loin de My dinner with André ! Le feu et la tempête ça peut être compliqué mais c’est jouissif à tourner. Par contre les animaux c’est vite moins drôle. Et très chronophage. Et là l’économie du film ne permettait pas de traîner en route", confie-t-il, en poursuivant :
"L’aigle, par exemple, avait la fâcheuse tendance à ne pas revenir au point de départ. Nous étions à la montagne. Et il ne parvenait pas à trouver des courants ascendants. Du coup quand on le lâchait, il partait et on le retrouvait 30 kilomètres plus loin au fond de la vallée."
"Et quand il est parvenu à rester avec nous... il s’est fait attaquer par des buses ! Quant à l’ours, il carburait aux pains au chocolat. Il bouffe le stock d’une boulangerie en une matinée. En plus il ne comprenait que l’allemand et il fallait qu’il voie le van où il dormait pour être en confiance."
"Et la cerise sur le gâteau c’est qu’il a une autonomie de travail de deux heures. Après il dort. Le chef opérateur du film a fait de nombreux films avec Jean Jacques Annaud et je lui ai confié toute l’admiration que cette expérience m'a inspiré pour le metteur en scène de L’Ours."
Eric Besnard avait prévu d'insérer, dans son histoire, un chien de berger. Mais, en allant faire le casting des animaux, le réalisateur est tombé sur Gaston, un bouledogue français : "Il m’a fait rire avec sa tête de chauve-souris et j’ai réécrit pour lui. Il m’a même inspiré les dialogues du type La Femme du boulanger où Grégory fait le parallèle entre Lambert et ce chien des villes qui n’a rien à faire là."
"Je l’avais aussi choisi parce qu’il était copain avec l’ours. Mon scénario comportait une scène de pseudo combat entre les deux. Pas de chance, à la première prise, l’ours a manqué, à deux millimètres près, de décapiter le chien. Du coup Gaston a fait la grève tout le reste de la journée et j’ai dû renoncer à ma scène. Tourner avec des animaux ça rend très vite très humble", se rappelle-t-il.
Un tournage en montagne est souvent synonyme d’imprévus, comme l'explique Eric Besnard : "Le niveau du lac qui est dans votre champ peut, par exemple, baisser d’un seul coup parce qu’un voisin y pompe de l’eau en douce. La brume peut arriver à une vitesse telle qu’au bout de deux prises, on ne distingue même plus l’acteur, etc. Il faut s’adapter. Mais c’est largement compensé par le spectacle que vous offre la nature."
A part le titre de Jimmy Cliff et trois petits morceaux, très jazz, qui ont été signés par le frère pianiste de Eric Besnard, toutes les musiques des Choses simples ont été composées par Christophe Julien (qui a été le musicien des six derniers films du réalisateur). Le metteur en scène se souvient :
"Nous avons développé une jolie complicité. Je lui envoie mes scénarios et il me propose des univers musicaux, à chaque fois différents. Pour Les Choses simples, j’avais envie de musiques évoquant les westerns, avec de la guitare slide, un peu à la Ry Cooder, et des percussions."
"Pour la guitare, que je n’avais en-core jamais vraiment utilisée dans mes films, Christophe, qui est un guitariste premier Prix de Conservatoire de musique classique, a écrit des choses magnifiques. En ce qui concerne les percussions, comme j’en avais émis le souhait, il en a utilisé une gamme très large."
"Nous avons fait une magnifique cessionde travail à essayer tous types de percussions. J’ai par exemple découvert le daf, une sorte de tambour iranien, dont le son m’a renversé. C’est celui que l’on entend quand Grégory et Lambert marchent tous les deux vers le poste d’observation ornithologique."