Un western aux accents féministes en forme de tableau de Rembrandt qui m'a intriguée, moi qui ne suis pas adepte du genre.
Vivienne, une canadienne indépendante, forte et facétieuse émigrée en Californie, rencontre à San Francisco Olsen, un menuisier danois taiseux. Un soupçon d'eau de rose et les voici dans les canyons californiens, en route vers le bout du monde, la bicoque poussiéreuse d'Olsen, perdue au milieu d'un rien ocre et rocailleux. Vivienne met vite de la vie et des fleurs dans l'endroit, qu'elle transforme en oasis. On est en 1860, la guerre de secession fait rage, et Olsen s'engage bientôt, coupant leur idylle et rejouant l'abandon de Vivienne par son père pour la guerre. Qu'adviendra-t-il de Vivienne, aussi indépendante soit-elle, laissée à elle-même dans son chalet du bout du monde ? Olsen reviendra-t-il et s'il revient, leur histoire reprendra-t-elle son cours ?
Phrase qui m'a marquée, lorsqu'il revient, elle lui demande "comment c'était, ta guerre". Il répond que c'était long et pas à quoi il s'attendait. Elle a n'est pas surprise.
D'aucuns diront que le film est trop long et trop léché pour un western. Moi, j'y ai trouvé les codes du genre (la poussière, la crasse, la violence crue, le shérif, le saloon, le méchant, les mustangs, les cactus et l'esprit revanchard), saupoudrés d'une intéressante sensibilité à la Viggo Mortensen (
notamment la scène où Olsen revient après la guerre et qu'il demande de qui est l'enfant, avant de laisser Vivienne effondrée. Lorsqu'il revient de s'être baigné, tout passe par les expressions de visage - elle sourit compulsivement et lui fait une moue qui exprime le fait qu'il est à la fois impuissant et désolé).
.
Et ce qui m'a le plus plu, c'est la recherche dans les plans (ce sublime cut final en contrejour à cheval sur la plage avec un arbre mort au 1er plan) les couleurs (notons le mustang palomino assorti au désert), et l'esthétique picturale qui alterne entre des plans quasi fauves ou impressionnistes (la scène introductive dans la forêt vert tendre ou les scènes oranges dans le désert) et des plans clairs-obscurs tout droit sortis d'un tableau de Rembrandt (le Souper à Emmaus) ou Georges de la Tour (Madeleine pénitente). Il y a un côté contemplatif marqué, c'est mon truc.
Le film perd des points par sa longueur (20 min de trop), son scénario qui en dévoile trop tout de suite (non pas que j'aurais aimé que ce soit plus linéaire, mais la 2ème scène en dit trop d'emblée), sa vision un peu réductrice de la sensualité et par une sorte de manichéisme légèrement cliché (le méchant est trop méchant,
on se serait passés de la syphilis, pourquoi ajouter du glauque au glauque ?...
).
Il re-gagne des points par la profondeur des sentiments montrés, l'humanisme du protagoniste et le jeu d'actrice formidable de Vicky Krieps qui campe une féministe avant l'heure, convaincante et puissante. Avec un Viggo Mortensen, qui, du haut de ses 65 ans, reste agréable à regarder.
Un western qui se laisse regarder, même quand ce n'est pas notre tasse de thé.