Un film complexe, riche, intelligent (ce qui n’est pas un qualificatif habituel au cinéma), qui peut surprendre et dérouter au sortir de la première vision , mais qui mature très bien, et prend toute sa profondeur dans les jours suivants . C’est un film qui « grow on you » pour sembler atteindre une sorte de perfection, presque diabolique. Les trois scénettes, différentes, mais avec les mêmes acteurs s’enchaînent très bien et traitent de sujet de société, de l’évolution des mœurs et du néo-modernisme capitaliste. Le premier est une belle allégorie du monde du travail, jusqu’au est- on prêt à aller pour réussir, pour satisfaire sa hiérarchie, son patron, l’illégalité comme option, le meurtre, on bascule en plein surréalisme Buñuelien, avec Jesse Plemons ( prix d’interprétation à Cannes ) qui veut faire partie du cercle des puissants mais n’y arrive pas . La difficulté d’accéder au sommet et la fragilité de l’individu qui doit remettre en question ses valeurs du bien et du mal, le meurtre est-il acceptable ? comme un nouveau paramètre d’ascension sociale. Dans le 2eme on bascule sur la quête d’identité, l’amour comme un tout, l’épouse d’un policier a disparu à l’étranger : est-elle celle qui revient, elle ne semble pas être la vraie, et son mari n’en veut pas ,et deviendra fou. Là encore Emma Stone est absolument remarquable avec un jeu total, une dédication entière sur ces rôles extrêmement durs. Le réalisateur Lanthimos et l’actrice Emma Stone expliquent qu’ils arrivent à travailler en confiance , en grande proximité et c’est ce qui leur permet de se livrer de cette manière . C’est d’une beauté à couper le souffle comme dans le 3eme Opus , sur une secte délirante à la recherche de l’immortalité où Emma est prête à tout pour satisfaire son gourou , qui abuse bien de ses adeptes. Là aussi de scènes délirantes, surréalistes, de rédemption, de cabine de sauna extrême pour effacer les péchés, de bain/jacuzzi de larmes purifiées. C’est fou comme la scène culte de danse finale, « break danse » où Emma est en plein délire et nous gratifie d’une scène inoubliable. C’est vraiment une actrice hors-norme, hors bien-pensance Hollywoodienne, prêt à chercher au fonds d’elle des sensations rares. Et Lanthinos est bien l’héritier direct de Buñuel, en plus tortueux et plus radical même .Quel régal.