Etrange, déroutant… lánthimesque !
Yórgos Lánthimos restera à tout jamais pour moi le cinéaste de Pauvres Créatures, il y a six mois de cela. Oscillant sans cesse entre folie et génie, il nous propose cette fois une fable en triptyque qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux. 165 minutes qui parlent de pouvoir, de relations humaines et de liberté de choisir. 165 minutes envoûtantes et dérangeantes, aux outrances assumées…. Bref du Lánthimos dans le texte et dans l’image.
Même si le cinéaste grec est loin de son sommet, il nous propose à nouveau un spectacle hors norme où il tente de faire partager sa vision du monde, violente, trash mais foisonnante d’idées. Accompagnée par la formidable musique de Jerskin Fendrix, le cinéaste déroule trois histoires apparemment différentes, mais qui, à y bien regarder, ces « genres de gentillesses » ne s’autorisent ni tiédeur, ni passivité, poussant le bouchon jusqu’à la répulsion. Après son chez d’œuvre de janvier dernier, il retour aux décors extérieurs et aux éclairages naturels. Le tournage s’est déroulé à la Nouvelle-Orléans, en raison de son climat et de son atmosphère très no man’s land qui collaient à l’univers du film provocateur et toxique. Le style est inimitable, il ne faut pas 5 minutes pour savoir qu’on est dans l’univers noir et transgressif du réalisateur de The Lobster ou de La mise à mort du cerf sacré avec ses détails gores et anatomiques des corps abîmés, disloqués, brisés, à l’image des vies déstructurées de ses personnages. Alors pourquoi ne pas classer ce film parmi les meilleurs du cinéaste grec ? Peut-être parce que la magie et la surprise n’agissent plus autant. Parce que sans doute on se lasse un peu de ce monde nihiliste et cruel. Reste l’exercice de style plus que brillant.
Comme d’habitude, le casting étincelle de mille feux. Dans leurs triples rôles, les Emma Stone, Jesse Plemons, - primé à Cannes -, Willem Dafoe, Margaret Qualley, Hong Chau, sont extraordinaires, dans ce film inclassable qui nous parle d’emprise, de dérive sectaire et de soumission sexuelle. Ça nous bouscule, ça nous dérange, c’est provocant… bref le malaise est là, prégnant, et on s’aperçoit alors que 2h45, c’est décidément trop long.