À son image, drame de Thierry de Peretti
Je m’étais promis de ne plus chroniquer les films que je n’ai pas aimés (ou plutôt, de ne chroniquer que les films qui me font chavirer pour ce qu'ils disent de moi et souvent de vous, de nous), parce qu’un film de long-métrage est un travail honorable, de longue haleine, souvent nécessaire : pour rêver, s’informer, réagir, se forger un point de vue, un autre point de vue que le sien, d’autant plus lorsque le propos est politique. Je déroge aujourd’hui à ma règle avec « À son image » de Thierry de Peretti, dont je n’ai pas compris le sujet.
Au début, on se croirait dans le studio photo de Willy Rizzo : des images pour Point de Vue ou Paris Match d’un autre temps, celui du poids des mots et du choc des photos. Couleurs et panoramas y ressemblent.
Artefac.
Est-ce un film sur le nationalisme corse ; sur le terrorisme politique et marketing des années 70 et 80 (contre-productif, au détriment d’une cause même si la visibilité de la cause est atteinte sur fond du sang d’innocents) ; sur la guerre en Yougoslavie (on passe d’un bond dans les années 90 sans queue ni tête) ; sur le rôle de la femme d’un terroriste : jusqu’où s’étendent sont abnégation et son implication ? (un très beau livre d'Alba de Céspedes : Elles sur l'amour d'une jeune femme et le pacte qu'elle noue avec un résistant au fascisme italien) ; sur le plafond de verre dans le domaine du journalisme de terrain ; sur l’affranchissement d'une jeune femme ambitieuse et pleine de certitudes vis-à-vis de ses parents (et de son patron) ; sur les femmes reporters de guerre ; sur le métier de JRI (dont la première femme est sans doute l’arménienne Zabel Essayan) ; sur la presse de proximité (Corse Matin en l’occurrence, traduite sous forme de clichés alors que c’est une presse essentielle pour se positionner dans son univers, avant de l'appréhender au coeur d'un monde plus large, sans frontières) ; sur les faits divers (ou de société) : chiens écrasés, nécrologie (attentats ou revendications aux enjeux nationaux et internationaux) ; sur l’éthique et la morale du photographe (du paparrazi), ici bafouée (adoptée) au gré des circonstances ?
Le film, à mon sens, mélange un peu tous cs sujets et devient un melting-pot confus, saupoudré d’un accent corse surjoué et pénible, et d’un jeu d’acteur décrédibilisant. On se demande, pour chacun d’entre eux, à quoi ils pensent, face caméra, tant on les sent éloignés de leur propos. Tous m’ont paru lourds, patauds et vagues, à commencer par la protagoniste principale qui, tout de même, foire tout : son engagement, l’amour, l’amitié, la famille, la photographie de terrain, jusqu’à pourquoi avorter. On la sent (je l’ai sentie) absente à chaque seconde, comme engoncée, instable sur ses talons carrés.
En parlant de chaussures, j’ai cru apercevoir au moins un anachronismes, mais c’est peut-être moi et mon état d’esprit assez vite défavorable au film, dont le regard s'est fait ennuyeux, et erratique. C’est vers la fin, lorsque la protagoniste rejoint le leader et interrompt une réunion où il est question de définir qui exclure sans état d’âme du FLNC, parmi les amis d’enfance dont l’idéologie s’affadit avec l’âge et les priorités de vie. Pascal s’efface du champ et revient avec un verre d’eau. Quand il part, il m’a semblé l'apercevoir en mules Birkenstock pour revenir en mocassins d’époque usagés par les événements dans le maquis. Un peu comme Simon (la voix off dont on se dit qu’elle appartient au narrateur, LE personnage clé qu’on va tous aimer, avec lequel on va enfin se sentir en EMPATHIE, alors qu’il est plus que secondaire et ne fait rien avancer du tout, il sert d'alibi bancal), qui nous apparaît avec son petit blouson Polo de Ralph Lauren et son 501 brut de pionnier.
Pour en revenir (et en terminer) à Pascal, le leader du Front de Libération Nationaliste corse, il m’a davantage fait penser au consensuel et pluridisciplinaire artiste Hatik qu’à un militant nationaliste enfiévré et encagoulé, revendiquant le poing levé et encagoulé la souveraineté de la Corse et franchement, j’ai pas trop eu envie de valider le personnage.
Ce film sans passion ni émotion m’a laissée froide, mais après tout qui je suis pour délivrer une chronique lapidaire, quoique spontanée et sincère ? Moi qui n’ai même pas lu le livre de Jérôme Ferrari, dont est adapté le film. Reste à attendre « Le Royaume » de Julien Colonna pour peut-être approfondir, adopter le sujet et comprendre À son image.