Attention, petit manuel du film A24 pour les Nuls... Un scénario étrange (un homme se retrouve dans les rêves de tout le monde, d'abord de façon anodine puis devenant le croque-mitaine qui effraie tous les jeunes... Oui, Freddy quoi), un visuel au filtre terne et aux plans qui durent, aux dialogues copieux, des scènes d'hallu qui déboulent de partout et s'arrêtent aussi sec, un héros qui a peur de tout le monde (Beau is Affraid, le retour... Ah tiens, Ari Aster est le producteur, coïncidence ? Ça m'étonnerait), et une fin tellement ouverte qu'elle ne conclut rien. Nicolas Cage semble se faire plaisir de nouveau (en même temps : sur quel projet, aussi moisi soit-il, ne prend-il pas son pied ?), et on ne boude pas l'ouverture intrigante du film, qui malheureusement s'effondre très vite avec la balourdise éléphantine de la critique sociétale amorcée par Borgli (on avait déjà remarqué sa finesse de bulldozer dans son précédent Sick of Myself, mais on avait passé l'éponge du fait de l'originalité de son propos). Ici, on va faire une exception à notre aversion pour cette expression ridicule, et la dire juste une fois : "OK boomer." Borgli regarde les jeunes (il doit le prononcer "d'jeuns" dans sa tête) comme des accrocs aux réseaux sociaux, incapables de faire la différence entre réalité (les cours de la fac) et la fiction (leurs rêves du prof qui les malmène), prêts à se jeter dans n'importe quel show de téléréalité débilitant (on n'a pas compris ce que cette émission "Les Anges versus Les Rêves" fichait au milieu de la fin), et porter un bracelet qui clignote pour les protéger de la folie (oui... Borgli voit les "d'jeuns" comme ça...). On s'étonne de ne pas voir une seule personne âgée affligée par les cauchemars, ni même la terreur que cela pourrait provoquer chez une personne schizo, non, on cible uniquement une partie de la population sans trop d'explications (le principe de l'effet Mandela justement évoqué au début du film, c'est qu'il touche absolument tout le monde, sans distinction d'âge, de genre, de nationalité, ou de catégorie sociale...). La balourdise du film va même jusqu'à citer explicitement Freddy Krueger (des fois qu'on soit trop bête pour comprendre la réf'... On doit être trop "d'jeuns") en faisant porter un gant à griffes à Nicolas Cage à qui on demande de parodier Freddy lors d'un shooting photos... On peut comprendre ceux qui aimeront le côté décalé de l’œuvre (même si la bande-annonce vendait un délire bien plus conséquent : ils ont simplement mis tous les rêves les plus fous dans la bande-annonce, histoire de laisser penser que le reste est du même niveau d'inspiration, et surprise : non.), le jeu de Cage (comme d'habitude : il s'amuse, lui, au moins), l'illusion que ce film est original (avant de capter qu'il est une lointaine resucée de Beau is Affraid croisé avec Freddy Krueger), et une critique de la société qui devrait plaire aux cancres du fond du cours d'analyse filmique. On aurait adoré que pareil scénario tombe dans les mains (moins griffues) de quelqu'un de plus fin, à bon entendeur... On peut rêver.