Après avoir suivi avec attention les pérégrinations essentiellement nocturnes de M. Bickle, on ne peut qu'en ressortir chamboulé. Comme si la lourdeur et la dépravation des nuits de New-York s'étaient immiscées en nous au travers de la pellicule grâce notamment à une photographie sombre et somptueuse ainsi qu'à une ambiance malsaine, presque palpable. L'impression que chaque centimètre carré de la ville qui ne dort jamais est corrompu, noyé sous sa déchéance, condamné dans les ténèbres à ne plus jamais revoir la lumière est une des grandes forces de "Taxi Driver", parvenant à en faire un personnage à part entière.
En parlant de force, l'interprétation de M. De Niro n'est pas en reste. Travis, ce vétéran du Viêtnam, torturé, submergé par la solitude, cherchant désespérément un sens à sa vie, ne supporte plus d'arpenter des rues sales et malfamées. Ne trouvant pas sa place dans la société, chaque nuit passée derrière son volant renforce un peu plus la certitude qu'il ne pourra vivre comme cela longtemps. Des idées noires lui viennent alors, des songes de violence.
Armé et déterminé à en finir, il décide après hésitation
(entre aider une jeune prostituée sous l'influence de son proxénète et abattre un politicien aux portes de la présidence),
de "balayer les rues" (dixit Travis) des immondices qui les peuplent. Avec ce passage à l'acte, vient pour moi le point noir du film. Surarmé et entraîné au combat (dû à son tout récent passé chez les Marines), notre antihéros se lance à l'attaque d'un petit réseau de souteneurs. Hélas, à aucun moment je n'ai senti une quelconque maîtrise, que ce soit de la situation ou de ses armes de la part de notre protagoniste ;
il ne vise pas les organes vitaux ou la tête et laisse par 2 fois, ses cibles blessées, revenir au combat en multipliant donc ses risques de mourir.
C'est un comble pour un soldat d'élite tel qu'un Marine, ça sonne furieusement faux devant la caméra, rendant la scène bordélique à la limite du risible, manquant de respect à la cohérence quasi impeccable dont faisait preuve le long métrage.
Est-ce pour autant une approximation ou une faute rendant le visionnage de "Taxi Driver" inutile ? Absolument pas, car, même si pour moi, la cohérence cinématographique est sacrée, ce serait une sérieuse lacune culturelle de ne pas voir ce monument du cinéma.