C’était un pur enchantement de découvrir « Vice-Versa » la toute première fois. Ce film d’animation subtil, drôle et qui avait le bon gout de s’adresser à l’intelligence des enfants en leur délivrant un message complexe et assez pointu, tout en restant hyper ludique. Alors forcément, avec « Vice-Versa 2 » le plaisir de la découverte n’est plus aussi fort. Ceci dit, le deuxième volet est largement à la hauteur du premier volet sur le fond. Mené à fond la caisse (1h36), l’action se déroule sur deux petites journées seulement. Cette fois-ci, j’ai choisi de découvrir le film en VOST, j’ai donc eu le Joie d’entendre les voix d’Amy Poeler (Joie), Liza Lapira (Dégout), Lewis Black (Colère), Tony Hale (peur) et Phillys Smith (Tristesse) rejointes par Maya Hawke (Anxiété), Ayo Edibi (Envie), Paul Walter Hauser (Embarra, qu’on entends forcément très peu), et surprise, Adèle Exarchopoulos (Paresse). Et oui, pour une raison que je préfère ignorer, il fallait absolument que Paresse ait un accent français à couper au couteau ! Le film fourmille d’idées visuelles épatantes,
comme la pluie d’idée, la crise d’anxiété, la montagne de mauvais souvenirs, le coffre-fort des secrets, la faille du sarcasme (j’adore) ou encore l’équipe d’anxiété qui travaille encore et toujours à élaborer les pires scénarii possibles. Cette dernière scène est l’occasion d’un clin d’œil très court à « 1984 » de Gorges Orwell que seuls les adultes peuvent repérer.
Et puis, le réalisateur Kesley Mann profite de diriger un film Pixar pour rendre hommage au dessin animé à l’ancienne, aux designs des jeux vidéos ou aux collages. C’est ludique, c’est charmant et c’est intelligent. Si le premier volet tentait d’expliquer aux enfants que la Tristesse était un sentiment qui pouvait faire avancer, qui pouvait colorer avec nuance les souvenirs heureux, le scenario de « Vice Versa 2 » va encore plus loin dans la complexité des sentiments. C’est normal car avec la fin de l’enfance arrive des sentiments plus ambivalents qui menacent de tout chambouler. Riley, chez qui la puberté se déclare (très) brusquement, apprend que ses deux meilleures amies ne seront plus dans le même lycée qu’elle à la rentrée. Elle participe à un stage sportif avec des filles plus âgées, elle veut réussir, elle veut leur plaire. Voilà la jeune fille en proie a des sentiments qu’elle maitrise mal : l’envie de plaire, la perte de sa confiance en elle, le sarcasme, la tentation de braver les interdits.
Dans sa tête, la nouvelle équipe prend le dessus et expédie loin les anciens sentiments jugés trop « enfantins » et trop « simplistes ». L’intrigue consiste donc pour Joie et ses amis non seulement à réintégrer le quartier cérébral, mais aussi à récupérer la jolie sculpture représentant l’estime de soi, qui a été bazardée par la nouvelle équipe.
Ici, il n’y a pas de bon et de méchants, la nouvelle équipe ne veut pas le mal de Riley, elle veut la faire grandir c’est tout. Là encore, le message est subtil : pour construire une personnalité, on a besoin d’entremêler les sentiments, d’apporter de la nuance en toute chose, bref : de trouver une sorte de point d’équilibre avec toutes nos émotions, de trouver un point d’équilibre entre l’enfant que l’on a été et l’adulte qu’on va devenir. Et bien encore une fois, je trouve que c’est un pari très audacieux que d’essayer de faire passer un message aussi subtil chez des enfants. On peut regretter quelques petites choses comme le sous-emploi des parents par exemple, alors qu’il doit se passer pas mal de choses dans les esprits de parents sont la fille unique devient une adolescente. Et puis le film ne parle de la puberté qu’au travers du psychisme et pas du tout du point de vue du physique. Riley à 13 ans, il a déjà du se passer des trucs de jeune femme dans sa vie non ?
Mais c’est peut-être cela qui se cache dans le coffre fort des secrets, ce gros secret noir, énorme, qui refuse de sortir au grand jour : que symbolise-t-il ? Le film n’en dira rien, aux spectateurs de se faire leur propre idée.
En résumé, même si « Vice Versa 2 » ne réitère pas intégralement la magie du premier film, il est quand même sacrément réussi dans la forme comme sur le fond. C’est un film d’animation hautement recommandable, et qui plaira aux grands, aux petits et peut-être même encore plus… aux adolescents.