Vous pensiez que le cinéma pornographique était un phénomène relativement récent ? Détrompez-vous, Aurore Aubin & Denis Larzillière remontent le temps pour tenter de dénicher la première œuvre pornographique, le tout premier boulard de l’Histoire…
À la recherche du premier boulard (2019) est un documentaire de 52min qui nous replonge dans le passé, jusqu’au début du XXème siècle de façon antéchronologique (sous la forme d’une chronologie inversée), commençant dans les années 80 pour remonter jusqu’à 1900. Ainsi, le film s’intéresse d’abord à l’arrivée du cinéma X dans les foyers des français, via Canal+ qui proposait dans les années 80, les premiers films de cul à la télévision française. De Caligula (1979) à Exhibition (1975) ou encore Le sexe qui parle (1975), ce fut une véritable révolution dans les chaumières, plus besoin d’aller louer sa VHS coquine dans le vidéo-club du coin (ou plutôt, chez le boucher du quartier en l’absence de « vrais » vidéo-club). Canal+ est parvenu à démocratiser le genre et à bouleverser les mœurs.
Quelques années auparavant, l'avènement de la VHS et la démocratisation du support vidéo permettent à quiconque de réaliser un film soi-même. N’importe qui, doté du bon matériel, peut désormais s’inventer réalisateur, qui plus est, réalisateur de films X. Mais l'arrivée de Jack Lang au pouvoir mettra un sérieux coup de frein à la production pornographique, avec notamment la fameuse loi X qui viendra marginaliser le porno (c’est d’ailleurs très bien résumé à travers le documentaire L'enfance du hard - 2013).
On y apprend même qu’entre 1974 et 1976, des films X étaient projetés dans certains grands circuits, notamment les UGC et Gaumont et que ces films rencontraient un grand succès. A cette même période, c’est l’âge d’or du cinéma X américain, avec des œuvres (cul)te telles que Gorge profonde (1972) ou encore l’expérimental & arty Derrière la porte verte (1972).
« Cet âge d'or était représentatif d'une époque qu'il y avait, à la fois libertaire, égoïste et altruiste. »
Francis Mischkind
Toujours en remontant le temps, dans les années 60, les premiers pornos étaient des "loops", des courts-métrages qui étaient diffusés dans les cabines des sexshops. Tandis que dans les années 50, on visionnait des films qui duraient 1 à 2min, via des sortes de distributeurs disposés en pleine rue (où il suffisait d’y insérer une pièce pour se rincer l’œil).
Entre les années 1940 & 1900, il est difficile, voire impossible de savoir qui se cache réellement derrière la caméra (en l’absence totale d’un quelconque générique de fin ou d’une datation). Est-ce un particulier ou un professionnel, chacun s'amuse à essayer de chercher et de deviner. A cette époque, les films étaient destinés aux maisons closes et s’échangeaient parfois sous le manteau.
Pour la petite anecdote, on y apprend aussi que le premier film d’animation pornographique est "Eveready Harton in Buried Treasure" et que le premier glory hole de l’Histoire est "On the beach". Concernant le premier film X à avoir vu le jour, trêve de suspense puisqu’il s’agirait de "El Sartorio", un film argentin de 1907.
De façon humoristique mais aussi très documenté, Aurore Aubin & Denis Larzillière parviennent en 52 petites minutes, à synthétiser un maximum d’information tout en alternant avec quelques extraits et de nombreuses interventions aussi diverses et variées (producteurs, réalisateurs, distributeurs, un des programmateurs de Canal+, acteur & actrice, historienne & chercheuse en cinéma). Ainsi, on aura le plaisir d’y retrouver quelques têtes connues telles que Christophe Lemaire, Gérard Kikoïne, Brigitte Lahaie, Jean-François Davy, Marc Dorcel et même Maurice Laroche (le propriétaire du Beverly, le dernier cinéma porno de Paris qui a fermé en 2019).
C'est impressionnant de se dire que l'âge d'or du Cinéma porno français n'a rien inventé puisque tout ceci existait déjà au début du siècle. Un bond en arrière très intéressant et didactique, au cœur du cinéma grivois & du patrimoine cinématographique du XXème siècle dont on ne parle jamais.
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