Predator 2 tient compte de sa place dans ce qui deviendra, avec les diverses réadaptations à suivre, une saga : il ne s’agit plus de dévoiler progressivement un prédateur que nous avons vu à l’œuvre dans le volet original, mais de le raccorder à sa dimension mystique. Aussi Stephen Hopkins recourt-il à la ville moins comme un terrain de chasse que comme un espace de tension entre des communautés et leurs pratiques dites magiques ou vaudous.
La créature humanoïde devient alors l’allégorie de cet autre que l’on regarde avec une distance angoissée, à l’origine des conflits armés entre bandes rivales ; elle ramène Los Angeles et son urbanisme étouffant aux charniers et ossuaires qui les composent, de la même façon que Médée, dans le roman de Christa Wolf, rampe dans les entrailles du royaume de Colchide pour y découvrir sa monstruosité originelle. Le prédateur dispose alors d’une spiritualité et assume davantage encore sa dimension hybride ; plutôt, l’hybridité relevait du code d’honneur et des valeurs militaires dans l’œuvre de McTiernan, elle se transforme ici en initiation aux rites qui scandent la civilisation extraterrestre à laquelle appartient le monstre, en témoignent les rites funéraires ultimes pratiqués dans le vaisseau.
La réalisation de Stephen Hopkins se situe aux antipodes de celle de son prédécesseur : plans brefs, montage charcutier, sauts de puce entre les lieux et les personnages, travail de la pénombre avec ses lumières artificielles et ses alternances machinales – voir la séquence d’attaque dans le métro. Elle tire profit des ressources offertes par la ville pour composer une atmosphère bruyante, poisseuse et oppressante ; ce faisant, elle applique une esthétique stéréotypée déjà observée dans des films tels que The Warriors (Walter Hill, 1979), Lethal Weapon (Richard Donner, 1987) ou encore The Last Boy Scout (Tony Scott, 1991), tous les trois produits par Joel Silver, également producteur des deux premiers volets Predator. Notons aussi l’influence évidente de The Believers (John Schlesinger, 1987) qui se proposait déjà d’injecter dans un New York ultramoderne une matière vaudou propice au cauchemar.
Si Hopkins n’atteint jamais la maîtrise des cinéastes précédemment cités, il signe, avec Predator 2, une suite réussie qui conserve l’essence du monstre humanoïde en l’augmentant d’une aura mystique nécessaire à sa portée légendaire.