"Les Morfalous" est sans doute l’un des films les plus bancals de la carrière de Jean-Paul Belmondo, la faute sans doute à une sortie trop tardive. Car, si cette histoire de légionnaires voleurs avait été tournée au milieu des années 70, il y a fort à parier qu’il compterait parmi les meilleurs films de l’acteur. Car "Les Morfalous" réunit quelques-uns des plus grands noms du cinéma français de cette époque, avec Henri Verneuil à la mise en scène, Michel Audiard aux dialogues et Georges Delerue à la musique. On sent d’ailleurs l’envie de Bébel (également producteur) de renouer avec l’esprit des films d’antan tels "100 000 dollars au Soleil" (du même Verneuil). Malheureusement, le cinéma a changé en 10 ans et le style de Verneuil peine à s’accommoder aux années 80. L’exemple le plus frappant reste bien évidemment la violence, certes relative (on compte tout de même une centaine de morts souvent accompagnées d’effusion de sang) du film qui s’accommode assez mal du ton volontairement léger de l’intrigue et des dialogues. La mort de certains des personnages principaux ne manquera pas de surprendre, voire de décevoir le spectateur. Ce défaut majeur empêche donc "Les Morfalous" de prétendre au podium des meilleurs films de Bébel, qui apparaît en outre bien plus arrogant que dans ses autres films. Et c’est bien dommage car le film ne manque pas de qualités. Le scénario, tout d’abord traite, d’un pan peu connu de la 2nde Guerre Mondiale (le conflit en Afrique et ses tentations) et compense une évolution assez décousue de l’intrigue par une succession de scènes particulièrement réussies (le baratin d’Augagneur sur les raisons de son engagements dans la Légion, ses affrontements avec Mahuzard, la complicité factice avec le soldat allemand…). Il faut dire que le film bénéficie des répliques du maître Michel Audiard qui s’offre un baroud d’honneur (il mourra l’année suivant la sortie du film) en livrant une des ses prestations les plus mémorables. ("Ils sont que 2 ! C'qui m'fait chier c'est leur mépris", "il y a des circonstances où il vaut mieux voir arriver un mauvais Français qu'un bon Allemand", "c’est bien la première fois qu’il fait des étincelles avec sa bite"…). Enfin, le casting est, comme toujours, l’autre grande force du film. Si l’on peut regretter l’absence d’un vrai monstre de charisme pour faire face à Bébel (comme Ventura ou Gabin dans le temps), on appréciera les prestations du rigide Michel Constantin, du dépassé Jacques Villeret, du dévoué Michel Créton, de François Pierrot en banquier ou encore de l’exceptionnel Marie Laforêt qui n’est jamais aussi talentueuse qu’armée des dialogues d’Audiard. Ainsi, malgré ses imperfections, "Les Morfalous" reste donc un très agréable moment, à la fois drôle et épique, et surtout transcendé comme toujours par le numéro tout en charme et en décontraction de l’irremplaçable Bébél.