Ethan Coen se lance en solo, et rien que cela c’est un petit évènement dans le petit monde du cinéma américain. Pour son premier film tout seul comme un grand (qu’il est déjà), il opte pour le road movie de Philadelphie à Tallahassee, avec pour vedettes deux jeunes femmes en quête de renouveau. Comme on s’y attendait, le film est mené pied au plancher, les transitions sont ludiques, l’humour noir (très noir même) assez ravageur et la bande originale super sympa. A intervalle régulier, il ponctue son film de petits moments d’images psychédéliques totalement bizarres,
à tel point que pendant une bonne partie du film, on imagine que la fameuse valise contient du LSD ou un truc dans le genre.
Il sait ménager ses effets car personne ne peut se douter une seule seconde de ce qui se trouve dans la valise (la boite en revanche, après la toute première scène du film, on en a une bonne idée !), pour ne pas trop en dire disons que cette valise est… précieuse aux yeux du Parti Républicain.
Il y a beaucoup de scènes de violence, c’est sur, et beaucoup de scène de sexe lesbiens alors il y a peut-être des yeux sensibles que cela pourrait déranger. Je trouve pour ma part que dans un cas comme dans l’autre, c’est filmé de façon suffisamment « ludique » pour que cela ne soit pas un problème. La première scène, qui met en scène Pedro Pascal, est à la fois très violente (peut-être le plus violente du film) mais en même temps la plus décalée et ironique
car le pauvre Pedro Pascal trouve la mort d’une façon qui, j’en suis sure, fera rire nerveusement les fans de « Game of Thrones » !
Le film est court, nerveux, sans temps morts et sans scènes superflues. Et il doit beaucoup à ses deux actrices pour commencer, Margaret Qualley est formidable en lesbienne décomplexée et volubile, au fort accent texan, qui parle autant qu’elle drague c'est-à-dire sans arrêt ou presque. A ses cotés, Geraldine Viswanathan, moins connue mais très bien également, est sa totale opposée, lesbienne elle aussi mais réservée, littéraire, tempérée, raisonnable. Ces deux jeunes femmes sont le yin et le yang, elles ne sont qu’amies
mais au contact l’une de l’autre, vont trouver le juste équilibre
. Rien de bien nouveau sous le soleil point de vue scénario, c’est sur. Comme souvent chez les frère Coen, ce sont les seconds rôles qui sont hauts en couleur et improbables. A ce jeu là, les deux Joey Slotnik et CJ Wilson emportent la palme. Les stars comme Pedro Pascal et Matt Damon viennent juste faire une scène pour le fun,
enfin façon de parler car leur personnage n’en sort pas indemne.
Le scénario pourrait tenir sur un timbre poste : deux nanas en possession d’une valise sur un malentendu et la pègre à leur trousse, je suis bien certaine que ce n’est pas inédit. Mais comme je l’ai dis, Ethan Coen ne fait pas exactement les choses comme les autres. « Thelma et Louise » ont pris un peu d’acide, elles se sont libérées du patriarcat et de l’hétérosexualité, elles ne filent pas sur la route sans but avec la police et la morale à leur trousse. Jamie et Marian filent vers la Floride en faisant des détours, des rencontres, elles vont voir une vieille tante qui aime les oiseaux, et elles ont dans leur coffre quelque chose qui n’a pas grand chose à voir avec la morale. Même si « Drive-Away Dolls » n’est pas un petit bijou comme « Fargo » ou un film inoubliable comme « The Big Lebowski », cela reste un film estampillé « Coen » et quand on aime, on n’hésite pas…